Emmanuel Hirsch : « L’urgence sanitaire ne justifie pas tout »

Publié le 16 Mar, 2021

Dans un entretien pour le journal Le Figaro, Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à l’université Paris-Saclay, dénonce les « renoncements éthiques » qui ont marqué ce temps de pandémie. « Dans l’éthique, il y a des dilemmes, mais il y a aussi des inconditionnels », affirme le professeur. « L’urgence sanitaire ne justifie pas tout. L’inhumanité et l’indécence d’un processus décisionnel nous ont meurtris sans réparation possible, estime-t-il. Notre société sortira plus fragile encore de ses atteintes à notre dignité, de cette défaite anthropologique. »

Des valeurs d’humanité « bafouées » en fin de vie

« Tous ceux qui ont vécu, depuis le début de la crise, ces moments de combat contre la mort, témoignent d’un sentiment d’échec, parfois de culpabilité, car trop souvent nos valeurs d’humanité ont été bafouées », déplore Emmanuel Hirsch. « Les rites de l’adieu et du départ, le cérémonial funéraire ont été abolis par décret », rappelle-t-il.

Les personnes âgées ont également souffert de la situation. « Dans l’urgence, des mesures arbitraires ont été prises de manière contrainte. Encore aurait-il été nécessaire d’accompagner et d’évaluer leur mise en œuvre, estime le professeur. La logique administrative a broyé des existences, et c’est inacceptable ». Mais il salue l’opposition de certains professionnels à la mise en œuvre de « prescriptions inconciliables avec leurs valeurs ».

Quels risques est-on prêt à assumer ?

Le professeur d’éthique médicale regrette les arbitrages généraux effectués par le Conseil de sécurité sanitaire, sur « tout et pour tous », sans même associer la représentation nationale aux décisions. « Une pandémie est révélatrice en tout de ce qu’est une société. Elle nous soumet en quelque sorte à une épreuve de vérité ». « Notre démocratie ne méritait-elle pas mieux qu’une gouvernance réfractaire à toute approche autre que systématisée, mise en œuvre à travers des procédures et des protocoles trop souvent erratiques ? », interroge-t-il.

Pour Emmanuel Hirsch, « l’enjeu est de convenir, dans le cadre d’une concertation pluraliste, des risques que l’on est prêt à assumer afin de sauvegarder les valeurs qui nous sont essentielles ».  Il s’agit à présent de « repenser le bien commun et refonder notre contrat social ». « À titre personnel, je considère qu’il n’y a pas de liberté sans esprit de responsabilité. » « Les pouvoirs publics devraient reconnaître aujourd’hui que nous avons appris de ces temps de pandémie », estime Emmanuel Hirsch qui lance un avertissement : « Ne pas tenir compte de cette intelligence collective, c’est prendre le risque d’accentuer la défiance et le refus des décisions. »

Complément du 07/04/2021 : Parmi les 110 507 participants à la consultation du CESE, “67,1% se déclarent très défavorables” au passeport vaccinal, “20,2% se déclarent très favorables”, “5,6% se déclarent défavorables”, “5,1% se déclarent favorables” et “2% se déclarent mitigés”.

Sources : Le Figaro, Agnès Leclair (12/03/2021) ; CESE (17/03/2021) – Photo : Pixabay

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