A l’occasion des journées de médecine foetale de Morzine, deux sociologues, Danielle Moyse et Nicole Diederich (Ecole des hautes études en sciences sociales) ont mené une enquête sur la pratique du diagnostic anténatal en France, publiée dans la revue Etudes. Des questionnaires ont été adressés à 147 praticiens et plus de 60 entretiens ont été menés avec des échographistes et obstétriciens.
Cette étude est publiée alors que la pratique de l’échographie obstétricale est en crise. Face à la judiciarisation de cette technique, le nombre de praticiens a nettement diminué ces trois dernières années ce qui a conduit à une inégalité d’accès aux échographies selon les régions. Selon les compagnies d’assurance médicale françaises, la France serait le pays où les plaintes pour non-dépistage de malformation au cours de la grossesse seraient les plus élevées. Rappelons que l’échographie permet de détecter 60 % des malformations. Un rapport des professionnels de l’échographie, dénonçant "cette médecine à deux vitesses", devrait être prochainement remis au ministre de la santé
Selon les sociologues D. Moyse et N. Diederich, cette situation n’est pas uniquement due à l’arrêt Perruche, même s’il a été un facteur déclenchant. L’affaire Perruche est intervenue dans un contexte où le diagnostic prénatal soulevait des difficultés matérielles et éthiques. Le Dr Thierry Farman, coordinateur au Sou Médical, explique que c’est le motif des plaintes qui a changé. Il y a moins de plainte pour absence de dépistage mais plus de plaintes qui mettent en cause l’absence de pronostic face au dépistage d’une anomalie.
Les sociologues s’inquiètent d’une autre évolution de l’échographie foetale qu’elles qualifient d’"eugénisme de précaution", c’est à dire la banalisation de l’interruption médicale de grossesse dès qu’il y a un doute sur "la qualité" du foetus.
Pour elles, il faudrait redéfinir les objectifs du diagnostic prénatal, et évaluer de nouveau ses avantages et inconvénients.
Sur ces sujets, consultez les dossiers Gènéthique Affaire Perruche, Dépistage prénatal et Eugénisme
Le Figaro (Martine Perez) 21/04/05