Trois paralysés des jambes parviennent à remarcher sans stimulation. Si des chercheurs américains ont récemment fait faire quelques pas à un paraplégique, en stimulant électriquement sa moelle épinière (cf. Aux Etats-Unis : stimulé, un paraplégique marche sur quelques mètres ), une nouvelle étude suisse a mis en avant la possibilité de provoquer la refabrication, par le corps lui-même, de certaines connexions nerveuses, permettant ainsi au patient de commander de nouveau aux muscles de ses jambes.
Grégoire Courtine, neuroscientifique de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne et Jocelyne Bloch, neurochirurgienne au Centre hospitalier universitaire vaudois, ont publié leur étude, appelée STIMO, pour Stimulation Movement Overground, dans Nature et dans Nature Neuroscience. Ils ont travaillés avec trois patients paraplégiques, paralysés des jambes suite à des accidents survenus il y a plus de quatre ans. Agés de 28, 35 et 47 ans, ces patients avaient en commun d’avoir encore quelques sensations dans les jambes, donc quelques fibres nerveuses anatomiquement intactes même si elles n’étaient pas fonctionnelles. L’essentiel de la marche est contrôlée par 5 cm de moelle épinière dans le bas du dos. Si la lésion est plus haute, le cerveau ne peut plus envoyer les impulsions électriques commandant les muscles de la marche. L’implant spinal vient dans un premier temps remplacer les messages du cerveau : « la stimulation doit être aussi précise qu’une montre suisse. Nous implantons une série d’électrodes au-dessus de la moelle épinière, qui nous permet de cibler des groupes individuels de muscles de la jambe», explique Jocelyne Bloch. « Des configurations spécifiques d’électrodes activent des zones spécifiques de la moelle épinière, reproduisant ainsi les signaux que le cerveau lancerait pour produire la marche », détaille la chercheuse. Au bout d’une semaine de calibration, les trois patients étaient déjà capables de coordonner leurs mouvements et de marcher, à l’aide d’un harnais supportant leur poids.
Dans un deuxième temps, la précision de la stimulation venant amplifier de façon parfaitement coordonnée le signal du cerveau a permis, de « réveiller ces nerfs abîmés et ainsi de recâbler le lien entre le cerveau et le système nerveux périphérique », car « certaines fibres épargnées peuvent établir de nouvelles connexions sur des petites distances, c’est ce qu’on appelle ‘le bourgeonnement local’», explique Grégoire Courtine. C’est ainsi que les trois patients ont pu commencer petit à petit à réaliser quelques mouvements avec leurs jambes, même après l’arrêt de la stimulation électrique. « Le timing et la localisation de la stimulation électrique sont essentiels pour la capacité du patient à produire un mouvement volontaire. C’est aussi cette coïncidence spatio-temporelle qui déclenche la croissance de nouvelles connexions nerveuses », explique Grégoire Courtine.
Au bout de cinq mois d’« entraînement physique intensif », deux des trois patients ont été capables de marcher 100 à 200 mètres à l’aide d’un déambulateur. « Le contrôle volontaire des muscles s’est énormément amélioré en l’espace de cinq mois d’entraînement », explique le Pr Courtine. « Le système nerveux humain a répondu encore plus profondément au traitement que nous ne le pensions » se réjouit-il, plein d’espoir pour les nombreux patients paraplégiques qui rêvent de remarcher.
L’équipe suisse, composée d’une trentaine de personnes, neurochirurgiens, neurologues, kinésithérapeutes, ingénieurs, neuroscientifiques et physiciens, va désormais se lancer dans une étude sur vingt patients souffrant de lésions récentes de la moelle épinière. En effet, Grégoire Courtine explique « l’importance d’appliquer un tel traitement très tôt, lorsque le potentiel de rétablissement est élevé et que le système neuromusculaire n’a pas encore subi le phénomène d’atrophie consécutif à la paralysie chronique ».
Sources : Le Figaro,