Des scientifiques californiens annoncent dans la revue Nature avoir réussi à modifier les caractères héréditaires de souris. Une première « inquiétante ». Ces chercheurs ont utilisé les ciseaux moléculaires CRISPR dans le but de transmettre massivement une modification génétique d’une génération à l’autre, sans tenir compte des règles naturelles de l’hérédité. Déjà réalisée sur des insectes, cette technique dite de « gene drive » a fonctionné sur des mammifères.
Le gène visé dans l’étude est celui de l’enzyme tyrosinase, qui affecte la couleur du poil de la souris. Naturellement, ce gène se transmet d’une génération à l’autre selon les règles de Mendel : la progéniture a 50% de chances d’hériter de la copie maternelle de ce gène et 50% de chances d’hériter de la copie paternelle. Les scientifiques ont cherché à modifier ce rapport, et affirment avoir réussi à atteindre un taux de transmission de 86% de la copie maternelle. La réciproque n’a pas fonctionné avec la copie paternelle. Ce « forçage génétique » permettrait de « répandre en accéléré une modification particulière du génome dans l’ensemble d’une population d’individus à reproduction sexuée ». Avec cette technique, « les mutations n’apparaissent plus au hasard mais exactement là où le forçage génétique a été conçu pour agir » et un parent transmet ces mutations « presque à tous les coups ». L’équipe cherche désormais à contrôler la transmission de plusieurs gènes à la fois.
Les chercheurs ont mené cette étude dans l’objectif de « créer des modèles animaux de maladies génétiques humaines complexes, telles que l’arthrite et le cancer ». Mais consciente d’avoir « entrouvert une boite de Pandore », Kimberly Cooper, généticienne qui a dirigé l’étude, déclare réfléchir « à la façon de concevoir des systèmes de transmission de gènes qui pourraient être autolimités et/ou éteints d’une manière ou d’une autre ». Car le gene drive est « irréversible » : « Une fois les séquences de forçage génétique relâchées dans la nature, nous n’avons plus les moyens d’en arrêter la propagation ».
Super-Mendelian inheritance mediated by CRISPR–Cas9 in the female mouse germline, Nature (23/01/2018)
Up Magazine (24/01/2018); Phys.org (23/01/2018)