Dirigée par Alan Flake, une équipe de chercheurs américains à mis au point un « utérus artificiel » qui « a permis à des fœtus d’agneaux de se développer ex utero pendant quatre semaines ». L’objectif affiché est de « répondre au défi de l’extrême prématurité », explique Alan Flake, chirurgien fœtal à l’hôpital pour enfants de Philadelphie. Aujourd’hui, les enfants prématurés nés avant 23 semaines de grossesse « connaissent des niveaux de mortalité pouvant atteindre 90%, et ceux qui survivent présentent des séquelles importantes dans 70 à 90% ». Le développement des poumons est particulièrement problématique, car ils ne sont pas encore adaptés à l’air libre. Les chercheurs ont donc tenté « d’offrir un sas liquide entre l’utérus maternel et le monde extérieur, pendant les quelques semaines qui suffisent à garantir la maturation des poumons ».
Le dispositif consiste en un « sac plastique transparent relié à divers circuits sanguins et physiologiques », qui mime au plus près la physiologie d’un utérus. Le fœtus, extrait par césarienne, est placé dans cet incubateur, dont le fluide amniotique est renouvelé en permanence. Contrairement à de précédentes tentatives, c’est ici le cœur de l’animal qui prend en charge la circulation sanguine, et non une pompe. La publication américaine[1] rapporte que les agneaux, après quatre semaines d’incubation ont été euthanasiés pour pouvoir analyser leurs organes. « Un survivant a été épargné et coule des jours heureux dans une ferme américaine ». Les analyses n’ont pas révélé d’anomalies de développement, toutefois le parallèle avec l’homme est hasardeux, et de nombreux obstacles techniques restent à surmonter. Alan Flake envisage d’autres essais « plus poussés » chez l’animal, avant des essais cliniques humains. Il imagine « un sac amniotique plongé dans la pénombre, avec une caméra permettant de voir le fœtus et des haut-parleurs lui distillant des sons et voix familiers ». Mais l’équipe américaine « refuse de diffuser des photographies des agneaux dans leur sac ex-utérin ».
« Il ne s’agit pas d’un utérus artificiel au sens où toute la grossesse serait conduite ex-utero ». Pour le chirurgien, « il n’y a pas lieu de tenter de remonter plus tôt dans la grossesse. On peut avoir des conversations très sensationnalistes, mais il n’existe pas de technique réaliste qui permettrait de passer de l’embryon à l’extrême prématurité », a-t-il déclaré. Il s’agirait donc plutôt « d’une couveuse perfectionnée pour très grands prématurés ». Jean-Yves Nau rapproche, lui, cette publication des travaux de Magdalena Zernicka-Goetz, en 2016, qui annonçaient « être parvenu à cultiver in vitro des embryons humains jusqu’à un stade jamais atteint : 13 jours (…) frontière éthique mise en place il y a une quarantaine d’années, et depuis, jamais officiellement dépassée. Jusqu’à quand ? » (cf. Jacques Testart : « Jusqu’où ira-t-on si c’est la capacité technique qui commande à la bioéthique » ?)
[1] Nature Communication du 25 avril 2017 : An extra-uterine system to physiologically support the extreme premature lamb.
Le Monde, Hervé Morin (25/04/2017); Jean-Yves Nau (26/04/2017)