Des activistes pro-avortement / “experts indépendants de l’ONU” interviennent à la Cour suprême des États-Unis

Publié le 6 Déc, 2021

À première vue, on peut être très impressionné par un mémoire soumis en tierce intervention par huit experts des Nations unies à la Cour suprême des États-Unis dans l’affaire Dobbs (cf. Etats-Unis : « L’annulation de « Roe » rendra la politique d’avortement au peuple »). Ces experts – également appelés Rapporteurs spéciaux et titulaires de mandats de l’ONU – usent de leur autorité pour tenter de convaincre la Cour suprême de l’existence d’un “droit à l’avortement” fondé sur les droits de l’homme. Un tel mémoire peut paraître impressionnant, mais seulement pour ceux qui ne connaissent pas le droit international ni le fait que certains experts de l’ONU sont en fait des activistes radicaux, payés de manière opaque par des fondations de gauche, comme nous allons le voir.

Dans un souci de justice, il est nécessaire de “démasquer” les principaux auteurs de ce mémoire, qui se cachent derrière le prestige de leurs mandats et d’exposer la faiblesse de leur argumentation.

Qui sont ces “experts de l’ONU” ?

Les signataires du mémoire sont huit des 90 titulaires de mandats actuels des “procédures spéciales” établies par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Leur fonction est d’examiner, de surveiller, de conseiller et de faire rapport sur le respect des droits de l’homme. Chacun d’entre eux est censé être l’expert international sur une question spécifique. Afin d’établir leur crédibilité, les experts présentent dans l’introduction de leur mémoire les critères de sélection des experts, ainsi que leurs devoirs dans l’accomplissement de leur fonction, tels que définis par l’ONU :

En tant que titulaires de mandat, les amici sont des experts indépendants en matière de droits de l’homme sélectionnés pour leur “(a) expertise ; (b) expérience dans le domaine du mandat ; (c) indépendance ; (d) impartialité ; (e) intégrité personnelle ; et (f) objectivité.” Les rapporteurs spéciaux “s’engagent à faire preuve d’indépendance, d’efficacité, de compétence et d’intégrité par la probité, l’impartialité, l’honnêteté et la bonne foi” et “ne reçoivent pas de rémunération financière.”

De tels standards élevés semblent convaincants ; mais il convient de les confronter à la réalité des deux principaux signataires du mémoire : Dr. Tlaleng Mofokeng et Mme Melissa Upreti.

L’amicus principal est le Dr. Tlaleng Mofokeng, Rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à la santé depuis 2020. En tant que médecin, elle a elle-même tué des bébés en avortant pendant des années, ce qu’elle présente comme “un acte radical d’amour de soi.” Mofokeng siège au Conseil d’administration d’au moins huit organisations promouvant l’avortement en Afrique ; elle a été financée par l’Open Society du milliardaire de la gauche radicale George Soros, récompensée par la Fondation Gates et félicitée par la Fédération internationale du planning familial. Elle est, ou a été ces dernières années, entre autres, codirectrice de Global Doctors for Choice en Afrique du Sud, membre du conseil d’administration du Safe Abortion Action Fund, fondatrice et directrice de Nalane for Reproductive Justice, vice-présidente de la Sexual and Reproductive Justice Coalition of South Africa (SRJCZA), etc. En 2016, elle a été récompensée en tant que “jeune championne du planning familial”.

Après sa nomination en tant que Rapporteur spécial, le Dr Mofokeng a déclaré vouloir lutter contre les “restrictions juridiques et politiques” sur l’avortement, affirmant qu’elles portent atteinte au droit à la santé, à la dignité humaine, et qu’elles sont “discriminatoires” car elles affecteraient “de manière disproportionnée les personnes qui peuvent tomber enceintes.” En clair, elle est une praticienne de l’avortement et une militante professionnelle, et non une experte “impartiale” et “objective” en la matière.

Le deuxième signataire le plus important du mémoire est une autre activiste radicale pro-avortement : Melissa Upreti. Elle est actuellement présidente du groupe de travail de l’ONU sur la discrimination contre les femmes et les filles. Elle travaillait auparavant pour le Center for Reproductive Rights à New-York, le principal groupe de défense juridique pro-avortement au monde. En 2017, elle a été nommée dans ce groupe de travail de l’ONU et, presque simultanément, a été recrutée par le Center for Women’s Global Leadership (CWGL), une organisation qui promeut activement l’avortement. En tant que directrice principale en charge du plaidoyer mondial, le poste d’Upreti au CWGL vise à influencer l’ONU, y compris son groupe de travail, et elle s’est montrée très efficace à cet égard. Le CWGL est devenu une “plaque tournante” du lobbying et de l’influence pro-avortement au sein de l’ONU, notamment auprès du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles et auprès d’autres titulaires de mandats. Par exemple, les fondations Open Society de George Soros ont versé 100 000 dollars au CWGL en 2017 dans le but explicite d'”influencer” un rapporteur spécial de l’ONU. Par conséquent, Mme Upreti est avant tout une lobbyiste de l’avortement payée par une organisation qui influence les rapporteurs spéciaux de l’ONU, et elle ose prétendre devant la Cour suprême des États-Unis qu’elle est indépendante et impartiale sur cette même question de l’avortement.

Sans surprise, le dernier rapport officiel de son groupe de travail des Nations unies est imprégné d’activisme radical. Il assimile les “grossesses non planifiées” à de véritables violences à l’encontre des femmes et va jusqu’à comparer les objections de conscience des médecins à l’avortement à un acte de “violence sexiste” et de “torture” infligé aux femmes. Le rapport prétend également que la limitation de l’avortement serait une discrimination fondée sur le sexe, car seules les femmes peuvent être enceintes. Quatre autres membres de ce groupe de travail sont également signataires du mémoire : Mme Dorothy Estrada-Tanck, Mme Elizabeth Broderick, Mme Ivana Radačić et Mme Meskerem Geset Techane.

Ces informations démasquant ces experts ont été publiées dans le récent rapport de l’ECLJ sur “Le financement des experts de l’ONU.” Ce rapport n’a jamais été démenti. Il montre comment certains experts de l’ONU – notamment les experts pro-avortement – sont financés de manière opaque pendant leur mandat, parfois même recrutés, et influencés par des fondations privées telles que l‘Open Society Foundations et la Fondation Ford. Entre 2015 et 2019, certains experts ont déclaré avoir reçu 11 millions de dollars en dehors de tout contrôle de l’ONU. Quelques autres experts, comme Melissa Upreti, ont même omis de déclarer le soutien financier et matériel qu’ils ont reçu. Mme Upreti est employée par le CWGL, qui est financé par la Fondation Ford, la Oak Foundation, l’Open Society Institute Women’s Program et le Fund for a Just Society, pour n’en citer que quelques-uns. Elle aurait dû le déclarer comme un soutien en nature.

Le Dr Mofokeng, en tant que nouvelle titulaire du mandat, a déclaré en 2020 ses sources de financement (“aucun soutien extérieur reçu”), mais sa déclaration a été faite lors de sa prise de mandat et n’inclut pas le soutien qu’elle aurait pu recevoir depuis. Selon le “Code de conduite pour les procédures spéciales”, les titulaires de mandat “[n]e peuvent accepter une distinction honorifique, une décoration, une faveur, un don ou une rémunération d’une source gouvernementale ou non gouvernementale quelle qu’elle soit, pour des activités effectuées dans le cadre de leur mandat.” Un autre signataire du mémoire, E. Tendayi Achiume, a reçu 250 000 dollars en 2019 de la Fondation Ford pour des activités menées dans le cadre de son mandat.

Le contenu du mémoire d’amicus curiae des experts de l’ONU

Le mémoire des “experts de l’ONU” tente de démontrer que chaque État a l’obligation internationale de légaliser largement l’avortement, sur la base des droits de l’homme, mais il ne se réfère qu’à des documents non contraignants. Il se réfère même principalement aux propres rapports du groupe de travail de Mme Mofokeng et de Mme Upreti, ainsi qu’à quelques autres experts de l’ONU impliqués dans ces questions de “financement obscur”.

Le mémoire ne contient aucune référence à un document contraignant – tel qu’un traité de l’ONU – contenant un “droit à l’avortement”. Cela n’est pas surprenant car il n’existe pas de tel droit en droit international, mais un droit à la vie, et ce malgré tous les efforts de certains activistes, comme Mme Upreti, pour créer un tel faux droit à l’avortement (cf. Pourquoi l’avortement n’est pas un droit de l’homme).

L’ECLJ a déposé un mémoire d’amicus curiae démontrant l’absence de tout “droit à l’avortement”, même dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Notre mémoire montre ce qui pourrait en surprendre plus d’un : Le droit européen est beaucoup plus protecteur de la vie et restrictif en matière d’avortement que la jurisprudence la Cour suprême depuis la décision Roe c. Wade.

Afin d’étayer la revendication d’une obligation internationale pour les États-Unis de légaliser l’avortement, le mémoire des “experts de l’ONU” s’appuie sur des citations incomplètes et hors contexte, des notions ambiguës, et cite des documents mentionnant les besoins et les droits sexuels et reproductifs comme s’ils faisaient nécessairement référence à l’avortement, ce qui n’est pas le cas. Ces “activistes de l’ONU” espèrent que les juges de la Cour suprême des États-Unis “goberont” que leurs références non contraignantes outrepassent la Constitution des États-Unis. Voici les principaux documents mentionnés dans le mémoire, en plus des rapports de Mme Mofokeng et du groupe de travail Upreti.

Le mémoire mentionne le rapport A/HRC/31/57 de M. Juan Mendez, ancien Rapporteur spécial sur la torture, qui prétend que les limitations à l’avortement sont une forme de torture pour la mère. Comme il a été établi par l’ECLJ, ce rapport a été en partie financé et promu par les fondations Ford et Open Society, qui ont soutenu le titulaire du mandat à hauteur de 90 000 et 200 000 dollars respectivement. Juan Mendez a travaillé pour Human Rights Watch et la Fondation Ford (Scholar in Residence – chercheur invité), entre autres. L’un des signataires du mémoire est le successeur de Juan Mendez.

Le mémoire cite également le rapport A/HRC/32/32 de M. Dainius Pūras, ancien Rapporteur spécial sur le droit à la santé, qui a reçu 624 417 dollars de l’Open Society pendant son mandat. Contrairement à ce que le mémoire tend à faire croire, ce rapport n’affirme pas qu’il y a une obligation de légaliser l’avortement, mais “encourage” les États à le dépénaliser, ainsi que les drogues.

Le mémoire fait également référence au rapport A/HRC/38/33/Add.1 de M. Philip Alston, ancien rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme. M. Alston a reçu 600 000 dollars de l’Open Society entre 2018 et 2019 pour son mandat, mais n’a divulgué que 5 000 dollars à l’ONU en 2018. Il prétend que limiter l’avortement serait une sorte de racisme, car les femmes appartenant à des minorités ont davantage recours à l’avortement que les autres.

Le mémoire cite également un rapport de Nils Muižnieks, ancien commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, intitulé “Santé et droits sexuels et reproductifs des femmes en Europe” (2017). Ce document est présenté comme “officiel”, alors qu’il a été préparé par le Programme Europe du Center for Reproductive Rights (comme reconnu page 2). Le Center for Reproductive Rights, déjà mentionné plus haut, est le principal groupe de défense pro-avortement pour lequel Mme Upreti a précédemment travaillé. Il est financé, entre autres, par les fondations Open SocietyMacArthur et Ford. Nils Muižnieks, lui-même, a également été directeur des programmes de l’Open Society de Lettonie jusqu’en 2012. En 2009, il a expliqué que l’Open Society souhaitait créer un nouvel homme – homo sorosensus [en référence à Soros] – un homme de la société ouverte.

Le mémoire a également fait référence au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et au Comité des droits de l’homme (CDH), en particulier à sa récente révision de l’Observation générale n° 36 sur le droit à la vie. Cette révision visait principalement à faire pression en faveur du “droit” à l’avortement. La plupart des discussions et du temps ont été consacrés à cette question, la majorité des membres du CDH essayant de pousser le plus loin possible, considérant que les États devraient autoriser l’avortement en cas de viol, d’inceste, ou lorsque le bébé n’est pas viable, ainsi que lorsque la grossesse met en danger la vie et la santé de la mère. Bien que ce texte promeut largement l’avortement, le mémoire pour la Cour tente d’insinuer faussement que ce texte exige que les États autorisent l’avortement de manière encore plus large (voir page 5, l’insertion du mot “y compris” dans la citation originale).

Plus généralement, il convient de rappeler que les conclusions et les commentaires des organes des traités de l’ONU ne sont pas contraignants, de même que les autres rapports d’experts cités dans le mémoire. Ils visent à “conseiller” et à “surveiller”, et non à imposer ou à créer de nouvelles normes. Leur autorité découle des traités de l’ONU et dépend de leur fidélité à ceux-ci. C’est pourquoi, par exemple, l’Observation générale sur le droit à la vie est si contestée, car elle prétend affirmer un droit à l’avortement fondé sur le droit diamétralement opposé, à savoir le droit à la vie. Cette affirmation est clairement en contradiction avec les traités, à l’exception des cas d’avortement en vue de sauver la vie de la mère.

Cette pression exercée par les instances de l’ONU pour tenter d’imposer la légalisation mondiale de l’avortement a été récemment combattue par un large groupe d’États, qui a jugé nécessaire de rappeler, dans la Déclaration de consensus de Genève sur la promotion de la santé de la femme et le renforcement de la famille, qu’il n’existe pas d’obligation internationale en ce sens, mais au contraire un devoir de protection des familles et des enfants à naître.

Enfin, ce mémoire d’experts à la Cour suprême est une preuve supplémentaire de la nécessité de réformer le système des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme afin d’éviter de nommer des militants déguisés en experts indépendants, payés de manière opaque par certains groupes, et qui abusent de leur mandat, notamment pour promouvoir un droit de tuer.

 

Pour plus de références, voir le rapport de l’ECLJ : Le financement des experts de l’ONU (2021).

Cet article de Grégor Puppinck a été initialement publié sur le site de l’ECLJ sous le titre : Des activistes pro-avortement / “experts indépendants de l’ONU” interviennent à la Cour suprême des États-Unis

Photo : iStock

Grégor Puppinck

Grégor Puppinck

Expert

Grégor Puppinck est Directeur de l'ECLJ. Il est docteur en droit, diplômé des facultés de droit de Strasbourg, Paris II et de l'Institut des Hautes Études Internationales (Panthéon-Assas).

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