Dépistage prénatal non invasif de la trisomie 21 : l’hypocrisie française

Publié le 7 Juin, 2017

La mise en place du dépistage prénatal non invasif de la trisomie 21 en France passe par de multiples étapes règlementaires, qui occultent le débat éthique ; un procédé confirmé lors des journées de l’Agence de Biomédecine.

 

Au lendemain de la publication des recommandations de la HAS[1] concernant le dépistage prénatal non invasif de la trisomie 21[2] (DPNI), les 5èmes journées de l’Agence de Biomédecine (ABM)[3] consacraient une conférence à cette question : un bref rappel des grandes lignes de ce long rapport, favorable à l’introduction du DPNI dans la politique de dépistage actuelle de la trisomie 21 avant la naissance, suivi du «retour d’expérience » d’un médecin de Belgique où le DPNI est pratiqué depuis 2013.

 

Le docteur Olivier Scemama, s’exprimant au nom de la HAS, s’est limité à parler du processus de rédaction des recommandations : saisine de la DGS[4], publication d’un premier volet sur les « performances » du DPNI[5], puis d’un second « visant à définir la place de ces tests dans la stratégie de dépistage », tous deux relus et validés par des « experts ». Le groupe de travail « a essayé d’évaluer les aspects éthiques », explique-t-il sans plus développer. Aurait-il échoué ?

 

Des questions sur la suite du processus sont soulevées dans l’assistance. Le « calendrier précis » n’est pas établi, mais « aller vite » semble le maître mot des autorités sanitaires. La décision de mise en application des recommandations appartient au ministre de la santé. Ironie du sort ou calcul politique, la présidente de la HAS, Agnès Buzyn, qui tenait le 17 mai au matin une conférence de presse sur ces recommandations, est nommée l’après-midi ministre de la santé. Son adhésion aux recommandations ne fait donc aucun doute. S’ensuivra une modification du cadre règlementaire, déjà amorcée[6], et une inscription des tests à la Nomenclature des Actes de Biologie Médicale (NABM), sésame pour leur remboursement par la sécurité sociale. Le docteur Scemama apprend également à son auditoire que le travail a été « anticipé » auprès de la sécurité sociale, toujours dans l’objectif d’une « rapide » mise en œuvre des recommandations.

 

Après cette intervention technique, dont on peine à croire qu’elle traite d’un sujet humain, le professeur Frédéric Debieve prend la parole. Il travaille à l’hôpital universitaire de Louvain, où il propose le DPNI à ses patientes depuis plusieurs années. En Belgique, « la pratique du DPNI est plus libre » qu’en France explique-t-il, il peut en effet être proposé à toutes les femmes enceintes[7]. Sans chercher à y mettre de formes, il déclare qu’un DPNI positif confirmé par une amniocentèse est « inutile » s’il n’est pas suivi par une interruption de grossesse. Un dépistage ou un diagnostic positif « n’améliorera pas la santé de l’enfant », il assume donc un « eugénisme d’état ». Des propos que l’ABM tente de modérer, mais le professeur Debieve révèle l’hypocrisie de la position française : l’objectif de ce test est-il de « diminuer le nombre de fausses couches suite à un acte invasif[8], ou d’augmenter le taux de détection de la trisomie 21 » dans une visée eugéniste ?

 

[1] Haute Autorité en Santé

[3] Ces journées se sont tenues les 18 et 19 mai à Paris

[4] Direction Générale de la Santé

[7] Selon les recommandations de la HAS, le DPNI sera proposé en France en deuxième intention pour les femmes « à risque », selon des seuils précis.

[8] La HAS refuse en effet dans son rapport sur le DPNI de remettre en question « le bien-fondé éthique de la mise en place d’un dépistage de la trisomie 21 », car cela reviendrait à « défendre des options générant plus de pertes fœtales »

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