L‘Assemblée nationale organise aujourd’hui, avec l’Agence de la biomédecine, une journée de débats sur les "nouvelles questions éthiques" en vue de la révision de la loi de bioéthique de 2004 prévue en 2009. Cette audience réunit des médecins, des psychanalystes, des juristes et des associations autour de 3 tables rondes : "Assistance à la procréation : faut-il rompre avec la tradition française?", "Don de gamètes ou d’organes : faut-il revenir sur la gratuité et l’anonymat?", "Faut-il autoriser la recherche sur les cellules souches embryonnaires et le clonage thérapeutique?".
Sur la question de l’assistance médicale à la procréation (AMP), la loi actuelle est claire : l’AMP est destinée au traitement de l’infertilité ; elle est réservée aux couples hétérosexuels et stables. Aujourd’hui, les couples homosexuels et les femmes seules voudraient pouvoir légalement avoir recours à cette technique. Cette question fait débat. L’AMP ne serait plus une réponse médicale à l’infertilité mais pourrait devenir un moyen de satisfaire le désir d’enfant. Valérie Pécresse, député UMP (Yvelines) précise que son parti n’est pas favorable à l’élargissement de l’AMP à des couples homosexuels ou à des personnes seules rappelant qu’un couple est composé d’un homme et d’une femme. Elle ajoute qu’il s’agit-là, pour les couples homosexuels ou les personnes seules, d’AMP de "convenance". Le Pr René Frydman, gynécologue et spécialiste de la fécondation in vitro (Clamart) parle de choix d’orientation : "soit on est dans un système libéral, où l’on peut avoir ce que l’on souhaite ; soit on se situe dans le cadre de la santé publique avec des priorités". Le Pr Israël Nisand, lui, est favorable à cet élargissement de l’AMP, estimant que la médecine traite déjà "non seulement les problèmes médicaux mais la souffrance des personnes".
La deuxième table ronde porte sur la gratuité et l’anonymat pour les dons de gamètes, d’embryons ou d’organes que garantissent les lois de bioéthique de 2004. Cette loi est remise en question notamment parce que la tendance des pays voisins est à rémunérer le don et que de plus en plus de personnes demandent à connaître leurs origines.
Les lois de bioéthique de 2004 interdisent le clonage dit "thérapeutique" et autorisent la recherche sur l’embryon à titre dérogatoire pour une durée de 5 ans. Pourtant, le dossier semble loin d’être clos. Le député Alain Claeys a publié un rapport sur « Les recherches sur le fonctionnement des cellules vivantes » le 6 décembre 2006. Dans son rapport, il se déclare favorable à une révision de la loi de bioéthique de 2004, notamment sur la question du clonage qu’il propose d’autoriser.
Axel Khan, généticien et directeur de l’Institut Cochin présente aujourd’hui aux parlementaires un bilan des recherches actuelles sur les cellules souches. Selon lui, "Il peut y avoir deux raisons de changer notre loi : si l’opinion du législateur a changé, ou si les données objectives de la science ont évolué".
Bertrand Mathieu, juriste à l’Université de Paris, parle de "débat partiel", "car on ne s’est pas donné les moyens d’identifier les problèmes. On ne peut pas, sous prétexte que l’on veut faire de la recherche sur l’embryon, changer le sens des mots, dire que l’embryon n’est pas un être humain. Ce genre de tour de passe-passe occulte tout débat, puisque si l’embryon est une chose, alors on peut tout se permettre sur lui! Il faut plutôt se demander quelle rupture d’avec nos valeurs, nos principes, engendrerait une telle recherche."
La Croix (Marianne Gomez, Anne-Bénédicte Hoffner) 07/02/07