Débat sur l’euthanasie : inquiétude de professionnels de santé

Publié le 13 Jan, 2011

Dans une tribune publiée par La Croix, Monique Durieux, psycho-gérontologue en établissement médico-social, exprime l’inquiétude que le débat sur l’euthanasie à l’Assemblée Nationale suscite chez les "professionnels de terrain".

Alors que le texte débattu préconise que "toute personne arrivée à un certain stade de sa maladie et soulagée de ses souffrances du mieux possible doit pouvoir choisir la mort si elle le souhaite et recevoir pour cela l’aide dont elle a besoin", Monique Durieux récuse : "‘Certain stade’, ‘mieux possible’, ‘choisir la mort’, ‘besoin d’aide’…autant de formulations indéfinies qui sont la porte d’entrée de toutes les subjectivités ! Qui décidera de ce qui est ‘certain’, ‘possible’, ‘choisi’ pour la personne ? Son médecin ? Sa famille ? L’équipe soignante qui l’entoure ? De quelle ‘aide’ pensera-t-on qu’elle a besoin ? Qui décidera que sa situation est sans retour ? Sur quels critères reposera la décision ?"

Elle fait remarquer que dans les établissements accueillant des personnes âgées, peu d’entre elles sont encore capables d’exprimer verbalement leur "choix" ou leur "souhait". Pour autant, il appartient au soignant de "leur porter jusqu’au bout de leur vie un regard", respectueux de leur dignité. "Celle-ci, précise-t-elle, ne se réduit pas seulement aux capacités intellectuelles qu’elle n’a plus mais à tout ce qui fait et a fait sa vie d’être humain jusqu’à ce jour, y compris le lien avec sa famille." Cet accompagnement de la fin de vie "ne va pas sans un travail de dépassement de soi et de ses propres limites. C’est pourtant de cette alchimie interne que tout véritable soignant dit puiser force et sens dans son travail."

Pour elle, l’hostilité grandissante que le vieillissement extrême inspire à notre société, et l’analyse des cas de fin de vie en termes financiers font "craindre le pire sur les risques de dérives et le détournement de la loi. Les partisans d’une aide active à mourir manifestent un acharnement non pas thérapeutique mais à en finir au plus vite".

Elle cite pour finir l’éminent cancérologue Lucien Israël : "Le monde vers lequel nous nous dirigeons sera à l’image du sort qu’il réservera à ses vieillards (…). Si ce monde n’a qu’une hâte, celle de se débarrasser de ses vieillards, il est évident que toutes les autres catégories humaines qui ne seront pas considérées comme productives pour les pouvoirs en place connaîtront le même sort."

La Croix 13/01/11

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