De l’encadrement légal du meurtre

Publié le 2 Avr, 2008

Jean-Yves Nau publie dans Le Monde une analyse de "l’affaire Sébire". "Médiatiquement mise en scène", la mort de Chantal Sébire pose, comme le fit la mort de Vincent Humbert en 2003, la question du suicide médicalement assisté. Rappelons que c’est à la suite de l’affaire Humbert, en 2005, que la loi Leonetti sur la fin de vie fut adoptée. Ainsi, "les mêmes causes médiatiques pouvant produire les mêmes effets législatifs, les militants de la dépénalisation du suicide médicalement assisté espèrent que la récente émotion collective jouera bientôt en leur faveur".

Le journaliste souligne en premier lieu le désintérêt du législateur quant à l’application des lois qu’il a pourtant votées. Le rapport sur les soins palliatifs de la psychologue Marie de Hennezel l’affirme incontestablement : "il faut reconnaître qu’aujourd’hui beaucoup de médecins ne connaissent pas les bonnes pratiques en fin de vie. Beaucoup ignorent ce que la loi leur permet de faire. Ils persistent à croire que l’ultime solution pour apaiser les souffrances terminales consiste à abréger la vie". Il aura fallu attendre l’affaire Sébire pour que le gouvernement charge le député Jean Leonetti d’évaluer l’application de la loi sur la fin de vie dont il est l’auteur.

Jean-Yves Nau note ensuite que la médiatisation du cas de Chantal Sébire réactualise l’avis rendu par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), le 20 janvier 2000, sous la présidence de Didier Sicard. Réaffirmant la "valeur fondatrice" de "l’interdit du meurtre", le CCNE en arrivait toutefois à se prononcer en faveur d’une "exception d’euthanasie", sans vouloir modifier le code pénal.

Selon le rapport de Marie de Hennezel, la majorité des médecins ne prône pas une dépénalisation de l’acte euthanasique. De même sept sociétés savantes médicales confrontées à la fin de vie viennent de réaffirmer que "quels que soient les choix que notre société pourrait faire dans le futur, donner la mort ne relève pas de la compétence du médecin et nous n’assumerons pas ce rôle". Mais, "nombre de spécialistes reconnaissent toutefois qu’il peut exister des situations rarissimes où la personne malade (…) persiste à demander qu’on la délivre d’une vie insupportable", poursuit Jean-Yves Nau.

Dès lors, il s’interroge sur les poursuites judiciaires qu’entraînerait une décision d’aide active à mourir "prise collégialement, au terme d’une évaluation sérieuse et d’une réflexion éthique et (…) présentée comme une forme de moindre mal". Face à cette question, deux conceptions s’opposent : celle selon laquelle la loi commune doit traiter des cas particuliers et donc introduire un "droit de mourir dans la dignité" et celle selon laquelle le code pénal ne doit pas être modifié et l’interdit du meurtre maintenu.

"Pourquoi la justice ne pourrait-elle pas prendre en compte les situations extrêmes, les justifications apportées par les médecins interrogés sur les raisons qui les ont amenés à effectuer des gestes qui ne seraient pas, alors, considérés comme des crimes ?", semble regretter Jean-Yves Nau. Ainsi, d’après lui, "au côté de la médecine, la justice participerait ainsi à l’évolution des mœurs sans que l’on ait à modifier la loi. On se garderait de la sorte des dérives toujours possibles quand un pays choisit de permettre à ses médecins d’éliminer ceux qui dérangent".

Le Monde (Jean-Yves Nau) 02/04/08 – MedHyg.ch (Jean-Yves Nau) 19&28/03/08

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