Clause de conscience des pharmaciens : absurdité française

Publié le 17 Déc, 2010

Dans Liberté Politique, Jean Paillot, avocat au barreau de Strasbourg, souligne l’absurdité de la jurisprudence française concernant les pharmaciens qui se voient refuser une clause de conscience en matière de vente de produits contraceptifs et abortifs. Celle-ci leur est refusée au motif qu’ils disposent du monopole de la vente de médicaments. Seules deux raisons sont admises pour justifier d’un refus de vente : l’absence du produit en stock et les dispositions suivantes de l’article R. 4235-61 CSP :  “Lorsque l’intérêt de la santé du patient lui paraît l’exiger, le pharmacien doit refuser de dispenser un médicament. Si ce médicament est prescrit sur une ordonnance, le pharmacien doit informer immédiatement le prescripteur de son refus et le mentionner sur l’ordonnance.

Un arrêt du 16 juillet 1981 précise qu’un pharmacien ne peut refuser la vente d’un produit contraceptif s’il l’a en stock mais qu’aucune obligation légale ne le contraint à renouveler son stock ou de proposer au client de commander le produit. Toutefois, si ce dernier demande expressément la commande du produit, le pharmacien est contraint de le commander sans possibilité d’évoquer une clause de conscience.

 

Un arrêt du 21 octobre 1998 de la Cour de cassation a condamné le refus de vente des pharmaciens au nom de convictions personnelles. Il y a ici une incohérence puisqu’un chirurgien, par exemple, peut refuser de procéder à une opération de stérilisation à visée contraceptive en invoquant la clause de conscience alors qu’il possède aussi un “monopole, puisque personne d’autre qu’un chirurgien ne peut procéder à une opération de stérilisation“. Si en 1975, seul un médecin pouvait pratiquer une interruption de grossesse, lors d’une intervention chirurgicale, les pharmaciens sont aujourd’hui amenés à fournir des produits abortifs, si bien que l’on peut naturellement s’interroger, par analogie, sur leur droit à la clause de conscience dont bénéficient les médecins, sages-femmes et infirmiers en matière d’avortement.

 

L’article L. 2212-8 CSP dispose qu’ “aucun auxilliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de concourir à une interruption de grossesse“. L’absurdité tient à ce que, dans le Code de la santé publique, les pharmaciens n’entrent pas sous l’intitulé des “auxilliaires médicaux” réservés aux infirmiers mais aussi à d’autres professions comme les pédicures-podologues, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes, opticiens-lunetiers, psychomotriciens, diététiciens, etc. Les opticiens lunetiers, par exemple, peuvent donc bénéficier d’une clause de conscience en matière d’avortement mais pas les pharmaciens ! Cela montre “l’absurdité d’une lecture littérale de l’article L. 2212-8 CSP“. C’est l’esprit du texte qu’il faut considérer, explique Jean Paillot :  “préciser qu’”aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de concourir à une interruption de grossesse”, c’est en réalité disposer que personne n’est obligé de concourir à une interruption de grossesse“.

 

De même qu’une clause de conscience est reconnue aux infirmiers même s’ils ne pratiquent pas directement, par eux-mêmes, une IVG, de même, la demande des pharmaciens souhaitant qu’une clause de conscience leur soit reconnue est légitime “lorsqu’ils expriment que, s’ils ne pratiquent pas eux-mêmes une interruption de grossesse, ils en fournissent le moyen“. Enfin, la question du monopole qu’ils possèdent dans la vente de produits abortifs ne justifie nullement de leur refuser une clause de conscience dans la mesure où l’avortement peut être effectué par d’autres moyens.

 

De la même manière, seuls les médecins pouvaient procéder à des IVG il y a quelques années et une clause de conscience leur est accordée. Ainsi, un “toilettage de l’article L. 2212-8 CSP” est aujourd’hui nécessaire.

Liberté Politique.com (Pierre-Olivier Arduin) 10/12/10

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