Opération cardiaque in utero
La ²grande presse² a récemment rapporté le succès d’une intervention cardiaque effectuée par des chirurgiens de Boston (USA) sur un fœtus de 23 semaines de grossesse – soit 5 mois de développement– porteur d’une anomalie congénitale diagnostiquée par échographie. L’intervention a consisté à agrandir le diamètre de l’ouverture de l’aorte au niveau de son origine cardiaque. L’obstacle représenté par ce rétrécissement aurait empêché le cœur de propulser normalement le sang dans le corps, avec, pour conséquence, une pression excessive dans le ventricule gauche source de développement anormal du cœur. Pour cet enfant, le geste anténatal a permis que le cœur se développe normalement avant la naissance. Le succès de cette intervention cardiaque fœtale est d’autant plus éloquent que le geste fœtal n’a pas eu besoin d’être complété par un geste néonatal, ce qui, pour ce type de chirurgie, est une première (les autres cas rapportés, plus d’une douzaine à ce jour, ayant nécessité un geste après la naissance).
Du diagnostic à l’intervention
Depuis l’avènement du diagnostic anténatal, les moyens de détection des anomalies congénitales ont grandement évolué et ont permis une meilleure compréhension et connaissance des mécanismes évolutifs pathologiques avant la naissance. De nombreuses anomalies peuvent être dépistées de manière fiable (malformations cardiaques, rénales, pulmonaires, pariétales …). On a pu ainsi savoir que pour telle anomalie, les lésions étaient déjà installées et définitives au moment de leur détection anténatale, même précoce (absence d’un rein par exemple…), alors que dans d’autres cas l’évolution anténatale spontanée se faisait vers l’aggravation des lésions, soit de l’organe en question, soit par retentissement sur d’autres organes ou fonctions en développement. Le premier dilemme était de savoir si l’on pouvait se contenter de regarder les choses s’aggraver sans rien faire ou si, considérant le fœtus comme un patient non encore né, on pouvait, on devait, intervenir d’une manière ou d’une autre avant la naissance pour tenter d’éviter cette évolution néfaste. Alors le praticien a été confronté à de nombreuses questions : les critères anténataux de gravité sont-ils fiables ? La lésion attendue est-elle suffisamment grave pour faire prendre un risque ? Le bénéfice attendu du traitement anténatal est-il supérieur au risque encouru par ce geste ? pour l’enfant ? pour la mère ?
Le challenge réside dans la fiabilité diagnostique et l’appréciation du pronostic : peut-on être assuré que, au moment du dépistage anténatal, l’organe affecté est potentiellement fonctionnel, mais que la persistance par exemple d’un obstacle ou d’une compression entraînera inéluctablement si rien n’est fait précocement, des séquelles graves irrémédiables ? Reste alors à considérer les moyens techniques à mettre en jeu pour opérer le fœtus, mesurer les risques pour le fœtus et la mère, et expliquer tout cela clairement au couple pour obtenir leur consentement, même leur désir, de participer à ce projet thérapeutique destiné à améliorer le pronostic futur de ce petit patient non encore né qui est leur enfant.
Divers types d’intervention
Divers modes d’²intervention fœtale² ont vu le jour. Sans vouloir être exhaustif, cela peut aller de provoquer une naissance bien avant le terme, de ponctionner pour évacuer un excès de liquide amniotique afin de permettre à l’enfant de naître plus près du terme, voire simplement de transférer la femme enceinte dans un centre spécialisé pour la naissance afin de permettre un traitement approprié du nouveau-né dès les premières minutes, à des gestes plus actifs ou ²agressifs² comme la pose d’un drain, jusqu’à un geste chirurgical.
En cas de geste chirurgical le fœtus est partiellement extrait de l’utérus, opéré, puis réintégré dans l’utérus maternel pour poursuivre son développement le plus longtemps possible jusqu’à la naissance, débarrassé de ce qui risquait de compromettre ses chances de survie. Ce dernier mode ²plus agressif² de traitement fœtal, qui a été réalisé à plusieurs reprises par l’équipe de San-Francisco de Mickaël Harrison et dans 5 cas à l’hôpital Saint Vincent de Paul à Paris par les Pr Bargy et Sapin, comporte un risque important d’échec, en partie lié à la difficulté d’obtenir une tocolyse (absence de contraction utérine) de bonne qualité en post-opératoire, responsable de mort fœtale et d’accouchement très précoce, sans sous-estimer le risque maternel. Pour ces raisons, ce type de chirurgie anténatale a subi un frein logique dans ses indications et sa réalisation. Les perspectives actuelles se tournent vers une adaptation de la coeliochirurgie grâce à la miniaturisation des instruments et les progrès des fibres optiques