Un « exploit », une « révolution », des « promesses » : un même champ sémantique est employé pour amplifier chaque annonce – pourtant isolée – concernant des travaux à base de cellules souches embryonnaires humaines. Cette semaine, c’est au tour de la société californienne Asterias Biotherapeutics qui mène un essai clinique chez des patients atteints de lésions de la moelle épinière : elle révèle[1] qu’ « une injection de précurseurs neuronaux obtenus de cellules souches embryonnaires humaines a permis à un jeune américain tétraplégique de retrouver l’usage de ses bras et de ses mains ». Très vite, cette information se transforme dans les médias : « un tétraplégique recouvre l’usage de ses bras », il s’agirait d’un « miracle » obtenu « grâce aux cellules souches embryonnaires ».
Pourtant, ces résultats sont à relativiser : sur les treize patients inclus dans l’essai clinique, cette annonce n’en concerne qu’un. En outre, ce patient présentait une lésion de la moelle épinière récente. Or c’est généralement dans les premiers mois suivants un tel accident que des améliorations peuvent être constatées. Il est donc impossible de dire si son rétablissement est lié à l’injection de cellules souches ou à ses capacités de récupération. Les améliorations constatées sont précisément « la restauration de certains mouvements » et l’ « obtention d’une certaine régénération » : un constat qui est loin d’être miraculeux.
Enfin, cet essai est en phase 1, c’est-à-dire que les médecins évaluent la sécurité du traitement sans chercher à mettre en évidence son efficacité. Asterias l’avoue lui-même : ce sont les « données provisoires » d’une « petite étude ».
Une « petite étude » qui a déjà une histoire trouble : initiée par le laboratoire Geron en 2010, elle est stoppée en novembre 2011 sous prétexte de problèmes financiers. Pourtant le CIRM[2] qui subventionnait déjà Geron, n’hésite pas à réinvestir lorsque l’essai est repris par Asterias en mai 2015. Ce dernier, fort des autorisations de la FDA[3], se montre confiant et inclus treize patients, qui doivent présenter des lésions récentes de la moelle épinière : un biais pour l’analyse des résultats, ces patients étant plus à même de récupérer leur facultés motrices.
Comme pour l’essai clinique mené en France par le professeur Menasché, on s’interroge sur le besoin de telles annonces somme toute assez banales dans un essai clinique, et qui ne prouvent en rien la réussite du protocole. L’utilisation de cellules souches embryonnaires serait-elle si peu efficace qu’elle réclamerait un tel déploiement médiatique ?
[1] A l’occasion de la réunion annuelle de l’ISCoS (International Spinal Cord Society) à Vienne.
[2] California Institute for Regenerative Medecine.
[3] Food and Drug Administration.