Jeudi 12 avril, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu un arrêt dans l’affaire Lings c. Danemark (requête n o 15136/20). Le requérant, Svend Lings, avait été condamné par la justice danoise pour suicide assisté. Il s’était retourné contre cette décision, invoquant « une violation de son droit à la libre expression ». La Cour, à l’unanimité, a rejeté sa requête.
Trois chefs d’accusation
Svend Lings est un ressortissant danois. Fondateur de Médecins en faveur de l’euthanasie [1], une organisation militant en faveur du suicide assisté, il avait diffusé « un guide » sur internet, intitulé « Les médicaments indiqués pour un suicide ». Une pratique autorisée par le droit danois. Mais en 2017, il déclare lors d’une interview avoir « aidé » une personne à se suicider. Radié de l’ordre des médecins, il est finalement accusé de deux suicides assistés et d’une tentative de suicide assisté. Le 26 septembre 2018, la justice danoise le condamne sur deux de ces trois chefs en première instance. Mais la Cour d’appel le reconnaît coupable des trois chefs d’accusation. Une décision avalisée par la Cour suprême en 2019.
Pour rendre son verdict, la Cour danoise s’est notamment appuyée sur « le fait que l’intéressé avait prescrit des médicaments (Fenemal) à deux personnes dont il savait qu’elles avaient l’intention de se suicider, et le fait qu’il avait conseillé à une autre personne de placer un sac plastique sur sa tête en même temps qu’elle s’administrait une surdose médicamenteuse ». Deux personnes sont mortes, la troisième a survécu.
« Les autorités ont le devoir de protéger les membres vulnérables de la société »
Le 18 mars 2020 Svend Lings décide de se tourner vers la CEDH. Il invoque l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme qui protège la liberté d’expression.
Pour la Cour européenne, certes la publication du guide en question était légale, mais l’affaire portait sur « les conseils spécifiques » que le requérant avait donnés à trois personnes. Et au Danemark, le suicide assisté est illégal depuis 1930. Ainsi, « ni la condamnation, ni la peine infligée n’ont été excessives en l’espèce », estime la CEDH, « les buts poursuivis par les autorités – protection de la santé, de la morale et des droits d’autrui – éta[nt] légitimes. » Et « les autorités ont le devoir de protéger les membres vulnérables de la société ».
A l’occasion de cet arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme « souligne que la Convention ne consacre pas le droit au suicide assisté ». Un rappel manifestement utile (cf. Intégrer le droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE ?).
[1] Læger for Aktiv Dødshjælp
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