Les experts réunis au sommet de Hong-Kong[1] ont condamné en bloc les travaux de He Jiankui, qui affirme avoir fait naître des jumelles génétiquement modifiées. Dans un communiqué publié ce matin, ils ont recommandé « une évaluation indépendante pour vérifier cette affirmation et établir si les modifications d’ADN prétendues ont eu lieu ». Ils ajoutent que même si les modifications génétiques s’avèrent avoir effectivement eu lieu, la procédure était « irresponsable et non conforme aux normes internationales ». « Parmi les lacunes, figurent une indication médicale insuffisante, un protocole d’étude mal conçu, le non-respect des standards éthiques de protection du bien-être des sujets de recherche et un manque de transparence dans le développement, la vérification et la réalisation des procédures cliniques ». Le sommet de Hong-Kong s’est clôturé par un appel à « une meilleure supervision des recherches » à l’échelle mondiale.
L’Académie Nationale de Médecine et l’Académie des Sciences françaises se sont fait l’écho de cette condamnation : elles estiment que cette fois « les conditions ne sont pas réunies ». Leur communiqué précise que ce type de démarche ne pourra jamais être éthiquement acceptable « quand le but recherché peut être atteint par d’autres moyens », comme c’est le cas pour la prévention du VIH, et fait état d’ « interrogations majeures dans la mesure où [la modification génétique] sera transmise à la descendance et aux générations suivantes ».
Un « message à faire trembler » commente Jean-Yves Nau, journaliste et docteur en médecine, puisqu’ « il laisse entendre que, tout étant parfaitement soupesé, une heureuse fin individuelle pourrait justifier les invraisemblables conséquences collectives des moyens ». Plus précisément on comprend à la lecture du communiqué que « cette modification pourrait être effectuée dans les cas, innombrables, où le but ne saurait être autrement atteint », et que « le jour où ces conditions seront réunies la voie sera ouverte ». En outre, les deux académies insistent en « réaffirmant l’importance pour l’être humain des recherches responsables faisant appel aux technologies modifiant l’ADN, y compris quand elles sont menées chez l’embryon – et leur apportent leur soutien ». Jean-Yves Nau s’interroge sur la signification du terme « responsable » dans un tel contexte.
De son côté Pékin exige la suspension des activités de tous les chercheurs impliqués dans les travaux de He Jiankui. Le ministère des Sciences et Technologies chinois a déclaré qu’il « s’oppose fermement » à ces expérimentations.
Voir aussi :
Chine : naissance de deux bébés génétiquement modifiés
Bébés génétiquement modifiés : le chercheur suspend ses essais
[1] Deuxième Sommet international sur la modification du génome humain, réunissant des experts internationaux à Hong Kong
AFP (29/11/2018); Jean-Yves Nau (29/11/2018)