Le projet de loi relatif à la bioéthique sera soumis à partir de demain en deuxième lecture aux députés. Il a déjà été adopté en première lecture par les sénateurs le 30 janvier 2003.
Cinq grands chapitres seront passés en revue : les greffes d’organes, l’assistance médicale à la procréation, le diagnostic prénatal et pré-implantatoire, la recherche sur l’embryon et le brevetage du génome.
Dans le Figaro du jour, 12 experts en bioéthique adressent une lettre ouverte à Jacques Chirac. Citons parmi eux Guy Coq, essayiste, professeur agrégé de philosophie, Claude Huriet, professeur de médecine, président de l’Institut Curie, Lucien Israël, professeur, cancérologue, membre de l’Institut, Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune, Elisabeth Montfort, député français au parlement européen, Marie-Odile Rethoré, professeur, généticienne, membre de l’Académie nationale de médecine ou Paul de Vigerie, président de la Confédération nationale des AFC
Ils appellent l’attention du président sur “l’approche éthique et scientifique très délicate qui sous-tend la révision en cours de ce texte, notamment à propos de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, comme sur la question du clonage”.
Ils demandent que le clonage thérapeutique soit autant sanctionné dans le Code pénal que le clonage reproductif. En effet, le clonage thérapeutique n’est qu’un clonage reproductif interrompu. En ce qui concerne la recherche sur les embryons ils soulignent qu’il n’y a aucune raison scientifique d’autoriser une recherche qui détruit l’embryon ni de permettre la conception d’embryons à des fins dites thérapeutiques.
Ils dénoncent que l’on veuille élargir l’expérimentation aux nouveaux embryons surnuméraires et non plus “seulement” aux embryons actuellement conservés. Enfin, ils rappellent l’urgence de trouver des financements pour les recherches sur les cellules souches adultes, qui, elles ne posent aucun problème éthique et ont déjà des résultats probants.
Le journal La Croix rappelle qu’un article inscrit dans le projet de loi propose de faire du clonage reproductif un “crime contre l’espèce humaine”. Le clonage reproductif serait ainsi punissable de trente ans de réclusion criminelle et de 7,5 millions d’euros d’amende.La prescription commencerait à courir à partir des 18 ans de l’enfant cloné.
De nombreuses questions demeurent quant à la possibilité d’appliquer une telle loi ainsi que les retentissements qu’elle pourrait avoir pour l’enfant cloné. C’est pourquoi, estime Frédérique Dreiffus-Netter, directrice du centre de recherche en doit médical de Paris V “on s’y prend beaucoup trop tôt pour légiférer à propos d’un acte qui ne sera peut être jamais réalisé, et dont on ne sait pas quelle forme il pourrait prendre“.
Enfin, dans l’Express, Jean-François Mattéi s’explique sur la bioéthique en général. Revenant sur l’amendement Garraud, il estime que celui-ci ne remet pas en cause l’IVG et n’influence pas le statut de l’embryon puisque “depuis la loi Veil de 1975, le législateur parle de l’embryon et encadre les atteintes qu’on peut lui porter sans pour autant s’engager dans la définition du statut”.
Interrogé sur les questions soulevées par la future révision des lois de bioéthique, Jean-François Mattéi cite un rapport de l’Inserm qui “démontre que nous avons une attitude eugénique.
Il précise “qu’il ne s’agit pas d’une décision collective, mais bien de la somme des décisions individuelles qui aboutit à une dérive eugénique de fait”. Il souligne que toute la difficulté de la bioéthique consiste à mettre au diapason la science et les consciences.
Sur la question du clonage, il réaffirme sa volonté d’assimiler le clonage reproductif à un crime contre l’espèce humaine. “En revanche , si le clonage thérapeutique doit être interdit [car il risque de dériver vers le clonage reproductif et le commerce des ovules, deux pratiques incompatibles avec la dignité humaine] on peut déroger provisoirement à l’interdit tant que l’embryon est le seul moyen d’obtenir des cellules souches, en attendant de pouvoir en trouver ailleurs.”
Concernant les bébés médicaments, M. Mattéi estime qu’il est difficile de refuser à un couple dont l’enfant est malade la possibilité de recourir au diagnostic pré-implantatoire mais il s’interroge également sur les conséquences éthiques dans le cas où aucun des embryons conçus ne serait compatible avec l’enfant malade.
Enfin sur le transfert d’embryon post mortem M. Mattéi ne souhaite pas qu’une femme puisse avoir un enfant d’un homme après la mort de celui-ci.“Il ne peut y avoir d’héritiers dans les congélateurs” affirme t-il.
Le Figaro 08/12/03 – L’Express (Jean-Marc Biais – Jacqueline Rémy) 05/12/03 – La Croix (Marianne Gomez) 08/12/03