« Reconnaître la personne dans son autonomie morale et sa capacité à consentir », « ne pas l’exposer à des risques disproportionnés », « être juste à son égard et considérer que son intérêt est toujours supérieur à ceux de la recherche ». Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale, président du conseil pour l’éthique et l’intégrité scientifique (Poléthis), redonne les principes fondamentaux de l’approche bioéthique, alors que le projet de loi est en cours d’adoption.
Ce qu’il estime être une « socialisation » des pratiques « initialement dévolues à la médecine », par l’ajout d’« extensions dont la justification médicale ne semble plus déterminante », mérite à ses yeux « un débat sociétal d’une autre ampleur que quelques semaines d’États généraux ou d’auditions parlementaires ».
En effet, précise-t-il, « avec CRISPR-Cas9 et la capacité de modifier l’ADN, la biologie de synthèse, les chimères ou les cyborgs, la recherche biomédicale évolue sur des terres inconnues ». A son tour, il s’inquiète sérieusement des « possibilités intrusives des techniques dites d’augmentation ou de modification « de l’humain, les interventions sur le génome » et de leurs conséquences « peu anticipées et difficilement maîtrisables sur les générations futures ». Un « sentiment largement partagé d’insécurité et de peur face à ce que la science permet d’envisager » manifesté au cours des Etats généraux de bioéthique.
Adopter une position « simplement prudente », « c’est se voir d’emblée accusé de passéisme, voire de discriminations à l’égard de revendications qui arguent du principe de justice dans l’accès sans restriction à tous les possibles », déplore-t-il. Pourtant, il serait regrettable de « privilégier des enjeux de compétitivité internationale en matière d’intelligence artificielle, de traitement des données massives et de génomique », « quitte à renier nos principes en préservant quelques apparences ».
En outre, s’il est important « d’anticiper et d’accompagner l’implémention des évolutions biomédicales », il est « nécessaire de ne pas déserter le front de l’éthique ordinaire, de l’éthique « d’en bas », de l’éthique du soin », c’est-à-dire de ne pas se « détourner de nos responsabilités à l’égard des personnes que fragilise le parcours dans la maladie, comme à l’égard des professionnels peu reconnus dans la valeur politique de leurs engagements ».
Emmanuel Hirsch (24/09/2019) – Bioéthique : l’heure est désormais à l’arbitrage de choix responsables [1]