Euthanasie et déni de vie

Publié le 6 Mai, 2008

Docteur en philosophie et chercheur associé au CNRS-EHESS, Danielle Moyse publie dans La Croix une tribune sur la dépénalisation de l’euthanasie. Trois ans après l’adoption de la loi Leonetti sur la fin de vie et alors même que cette loi est méconnue et mal appliquée et après la campagne médiatique orchestrée à partir du cas de Chantal Sébire, l’affirmation du "droit de mourir" refait son apparition sur le devant de la scène.

Trois ans seulement après qu’il ait été entériné que "les actes médicaux ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable" (art.1) ainsi que la possibilité de recourir à des traitements qui "peuvent avoir pour effet secondaire d’abréger la vie" (art.2), certains tentent de faire reconnaître "un devoir, social et médical, de donner la mort à ceux qui le demandent quand la dégradation de leur santé leur est devenue insupportable". Pourtant, d’après Danielle Moyse, les deux articles cités ci-dessus instaurent déjà un "droit de mourir", "si l’on entend par là le droit de ne pas être maintenu en vie de force, quand la médecine ne peut plus rien".

Mais, "malheureusement, cette loi a l’inconvénient majeur d’être inaudible si l’on ne tente pas de s’extraire de l’"actualité", non seulement faite des opinions ambiantes, mais de la lame de fond qui, en l’occurrence les rend possibles et par laquelle l’homme a progressivement rejeté l’idée que sa mort ne lui appartient pas davantage que l’origine de sa vie". Dans ce contexte, "le "droit de" ne peut plus être seulement entendu comme celui "de ne pas être empêché de mourir", mais comme la revendication du droit de se tuer, éventuellement d’être tué par un tiers". Et, si nous disposons pleinement de notre mort, elle n’est plus simplement un "droit" mais aussi un "dû".

"Or, le basculement du droit au dû en ce qui concerne la mort consacrerait-il l’ultime liberté de "choisir l’heure" de sa propre fin ou simplement une victoire si puissante du nihilisme que nous serions collectivement emportés par le désir de mort, si contagieux, qui peut envahir chacun de nous quand sa santé est altérée ?", s’interroge l’auteur. Comment expliquer, "sinon par une irrésistible fascination pour la mort", le fossé existant entre la médiatisation à outrance de quelques demandes d’euthanasie et la non médiatisation du combat d’hommes et de femmes handicapées qui demandent des moyens nécessaires à une vie décente. Au moment où les médias faisaient largement écho à la situation de Chantal Sébire, 30 000 personnes handicapées revendiquaient une revalorisation de leurs aides…

"Sommes-nous devenus sourds à l’appel à la vie des personnes qui souffrent et seul leur appel à la mort est-il recevable ?" Comment donc s’étonner que l’acquittement de Madame Debaine, jugée pour avoir tué sa fille handicapée (cf. Synthèse de presse du 10/04/08), ait été salué par des applaudissements ? "Conjuguée aux événements qui viennent d’être décrits, une telle approbation ne révèle-t-elle pas une sourde hostilité aux personnes malades ou handicapées ?"

"Une chose serait en effet de prendre acte des difficultés qui peuvent conduire une mère à un acte désespéré et d’en conclure à l’urgente nécessité d’un devoir de solidarité à même de le prévenir, une autre de doubler l’absolution juridique d’un meurtre par un enthousiasme susceptible d’encourager tout passage à l’acte de même nature…"

La Croix (Danielle Moyse) 06/05/08

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