Les médecins soumis à un devoir d’information rétroactif

Publié le 14 Oct, 2001

Un nouvel arrêt de la Cour de cassation vient de créer un véritable tollé dans le monde médical. L’affaire commence en 1975 par la naissance d’un enfant qui se présentait par le siège.

L’obstétricien qui avait repéré depuis longtemps ce problème décide toutefois de le faire naître par les voies naturelles, entraînant des séquelles au niveau du bras droit avec une incapacité partielle permanente de 25%. Sa majorité atteinte, le jeune homme décide d’ouvrir une action en justice reprochant à l’accoucheur de ne pas avoir informé sa mère des risques, mêmes infimes et peu probables, qu’elle prenait en ne recourrant pas à une césarienne. Lors de la première phase de la procédure, les experts avaient conclu qu’il n’existait aucune faute et que l’enfant avait été victime d’un risque exceptionnel lié au choix d’un accouchement naturel.

Pour les juges et selon la jurisprudence de l’époque, ce caractère exceptionnel dispensait le médecin d’en informer la patiente. Mais le 10 octobre dernier, la Cour de cassation en a décidé autrement en affirmant : « un médecin ne peut être dispensé de son devoir d’information vis-à-vis de son patient, qui trouve son fondement dans l’exigence du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ». Elle reconnaît toutefois qu’en 1975, le médecin n’était pas tenu par la loi de délivrer toutes les informations sur les complications des soins. Rappelons que c’est en 1997 que le corps médical s’est vu dans l’obligation d’informer ses patients même dans le cas d’un risque exceptionnel ou d’une opération indispensable. Il incombait au médecin en cas de litige de prouver qu’il avait rempli cette obligation. Certes, en France cet arrêt est défendable dans une logique purement juridique dans la mesure où la jurisprudence peut s’appliquer rétroactivement ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays d’Europe.

Mais pour le monde médical ce devoir d’information rétroactif est inacceptable. Le professeur Touraine, chef de service de gynécologie-obstétrique de l’hôpital Saint Vincent-de-Paul estime dans une interview au Figaro qu’il y aura probablement une vraie mobilisation des médecins contre cet arrêt. Il dénonce que l’on utilise, pour juger des faits remontant à 1975 des normes en matière d’information qui ne sont en place que depuis 1997. Pour lui, tous les handicapés de naissance pourront désormais se plaindre du fait que leur mère n’ait pas été suffisamment informée de tous les risques encourus notamment celui de mettre au monde un enfant handicapé. Il craint qu’aucun médecin ne veuille plus désormais assurer les naissances. Par ailleurs, il souligne  que cette obligation d’information engendre dans certains cas un effet dissuasif et aille donc à l’encontre des qualités de soin.

Le Figaro 13/10/01 – Le Quotidien du Médecin 15/10/01

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