Les 9 et 10 septembre 2014, Gènéthique a assisté, au siège parisien de l’UNESCO, à un événement important en matière de réflexion internationale sur les enjeux de bioéthique : la 21ème Session du Comité international de bioéthique (CIB) et la Session conjointe du CIB et du Comité Intergouvernemental de Bioéthique (CIGB). Le CIB est la seule instance de portée mondiale de réflexion sur la bioéthique. Il est constitué d’experts (approche technique), le CIGB est lui composé de représentants des Etats membres (approche politique).
Deux thèmes principaux y ont été abordés :
L’élaboration du principe de partage des bienfaits, défini à l’article 15 de la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits
de l’Homme (2005). Partant du constat que ce partage coûte cher, le CIB s’interroge doublement : existe-t-il un droit d’accès aux techniques scientifiques ? Peut-on hiérarchiser l’importance entre un droit à la propriété intellectuelle et un droit individuel d’accès à la santé ?
La mise à jour de la réflexion du CIB sur le génome humain et les droits de l’homme, ce sujet intéresse particulièrement Gènéthique. En effet, plusieurs techniques (diagnostics prénataux, FIV à trois parents, etc.) soulèvent des questions éthiques fondamentales et récurrentes. Les quatre thèmes choisis pour aborder cette mise à jour sont les suivants : les tests génétiques directement accessibles par les consommateurs (problème de l’interprétation des résultats), le don de mitochondries impliquant de fait une » FIV à trois parents » (déjà pratiquée en Grande-Bretagne), la protection des données génétiques qui recouvre l’enjeu de l’open access, et enfin le clonage humain dit » thérapeutique « . Pour préparer cette session publique, deux groupes de travail avaient remis respectivement leur note conceptuelle (1) et (2), destinées à servir de base aux échanges. A l’aune de cet événement, s’ouvre désormais un travail de consultations et d’échanges sur 2 ans.
Dafna Feinholz 3, chef de la section de bioéthique et de l’éthique des sciences à l’UNESCO, répond aux questions de Gènéthique pour éclairer les lecteurs sur la dimension du travail qui s’ouvre.
1. Qu’est-ce que le Comité International de Bioéthique ? À quand remonte sa création et quelle volonté en est à l’origine ?
L’UNESCO s’est impliquée dans la bioéthique depuis les années 1970, et a officiellement établi son programme en 1993, avec la création du Comité International de Bioéthique de l’UNESCO (CIB), au moment des grandes découvertes du génome humain. Le CIB est un forum intellectuel de réflexion qui réunit des experts de différentes régions du monde, appartenant à différentes disciplines (des sciences de la vie, des sciences sociales et humaines, de l’éducation et de la communication), cultures et idéologiquement pluriel et régi par la charte des droits de l’homme. Il travaille sur la définition des principes universels de la bioéthique. Le CIB et le Programme de Bioéthique de l’UNESCO travaillent à favoriser le débat international et national sur les principaux enjeux éthiques soulevés par les nouvelles connaissances développées dans le champ des sciences de la vie et par leurs applications en vue d’élaborer un cadre normatif partagé par la communauté internationale via nos États membres.
Le CIB est un organe composé de 36 experts indépendants, désignés par la Directrice générale de l’UNESCO et siégeant à titre personnel pour un mandat de quatre ans. Il constitue le seul forum mondial de réflexion en matière de bioéthique dont ses membres travaillent à garantir le respect de la dignité humaine et la liberté. Les tâches du CIB comprennent :
a) Promouvoir la réflexion sur les questions éthiques et juridiques soulevées par la recherche dans les sciences de la vie et leurs applications ;
b) Encourager les actions de sensibilisation auprès du grand public, des milieux spécialisés et des décideurs publics et privés impliqués dans la bioéthique ;
c) Coopérer avec les organisations gouvernementales et non-gouvernementales concernées par les questions de la bioéthique ainsi qu’avec les comités nationaux et régionaux de bioéthique et instances assimilées ;
d) Contribuer à la diffusion des principes énoncés dans les Déclarations de l’UNESCO dans le domaine de la bioéthique, et à l’approfondissement des questions que posent leurs applications et l’évolution des technologies en question.
Le Directeur général de l’UNESCO convoque le CIB au moins une fois par an. Grâce à ses sessions et groupes de travail, le Comité produit des avis et recommandations sur des questions spécifiques qui sont adoptées par consensus et sont largement diffusés et soumis à la Directrice générale pour transmission aux Etats membres, au Conseil exécutif et à la Conférence générale de l’UNESCO.
2. Comment les thèmes abordés à chaque rencontre sont- ils choisis ? En particulier, les tests génétiques ont été abordés à Paris essentiellement sous l’angle du marché des tests sur internet et de leur interprétation controversée : quid de celui des tests prénataux (diagnostic pré implantatoire et prénatal) qui animent l’actualité ?
Les deux sujets principaux de nos réunions de la semaine dernière étaient : le premier, l’article 15 de la Déclaration Universelle sur la Bioéthique et les Droits de l’Homme (DUBDH), c’est à dire, le » partage des bénéfices « , et le second, sur l’actualisation de la réflexion sur le génome humain.
1) et 2) : Notes à retrouver en intégralité sur le site de l’UNESCO : note 1 et note 2.
3) Dafna Feinholz, Chef de la Section de Bioéthique et ethique des Sciences de l’UNESCO, Titulaire d’un doctorat de psychologie de l’Université Iberoamericana du Mexique ainsi qu’un Master en bioéthique de l’Université Complutense de Madrid, Dafna Feinholz mène à l’UNESCO différentes activités visant à renforcer les capacités des États membres à gérer les défis de la bioéthique et à identifier les implications éthiques, juridiques et sociales de la science de pointe, des technologies émergentes et de leur application au développement durable.