Vincent Lambert : 55 médecins contestent la validité de l’expertise médicale

Publié le 22 Jan, 2019

Le 20 janvier, 55 médecins Spécialistes de la prise en charge des personnes en état végétatif ou pauci-relationnel (cf. Etat végétatif chronique et état pauci-relationnel ce qu’ils sont… et ne sont pas et Etats pauci-relationnels : Fin de vie ou grand handicap ?) ont adressé une lettre aux juges du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne pour contester la validité de l’expertise médicale de Vincent Lambert (cf. Conclusions d’expertise sur l’état de santé de Vincent Lambert : il n’y a pas d’obstination déraisonnable !) menée dans le cadre de la procédure en cours. Les 46 signatures ont été rassemblée en un week-end, après le rejet la demande de changement de juridiction de l’affaire prononcé mercredi par la Cour administrative de Nancy (cf. Vincent Lambert : pas de changement de juridiction, les avocats feront appel au Conseil d’Etat). Dans la foulée, tribunal administratif de Châlons-en-Champagne avait suscité une audience lundi (cf. Vincent Lambert : une audience prévue pour lundi prochain). Gènéthique publie intégralement cette lettre.

 

Mesdames et Messieurs les Juges du Tribunal,

 

Nous sommes tous spécialistes de la prise en charge des personnes en état de conscience altérée, qu’elles soient en état d’éveil non répondant (également appelé état végétatif chronique ou EVC) ou en état pauci-relationnel (EPR). La fluctuation de leur état de conscience (en fonction des moments, des stimulations, des personnes intervenantes) est une des spécialités de ces patients.

 

Nos confrères Xavier Ducrocq, Edwige Richer et Catherine Kieffer, qui ont participé aux opérations d’expertise de Monsieur Vincent Lambert, nous ont fait part des modalités d’évaluation de la conscience qui lui ont été appliquées : Vincent Lambert a été évalué un soir de 20h30 à 21h30, puis un matin pendant 1h30 en présence de 7 personnes, pour lui, inconnues. Ces évaluations comportementales n’ont pas été réitérées par la suite.

 

Les experts judiciaires ont conclu au diagnostic d’état végétatif permanent.

Ils affirment également que nourrir et hydrater Monsieur Vincent Lambert ne peut être constitutif d’une obstination déraisonnable et ils préconisent un transfert dans une autre unité.

 

Si nous ne pouvons que les approuver sur ces deux derniers points, nous contestons en revanche le protocole d’évaluation mis en œuvre et son résultat. Eu égard au caractère fluctuant de ces patients, l’évaluation doit être renouvelée à différents moments de la journée et sur plusieurs jours comme le recommande le professeur Steven LAUREYS du Coma Science Group de Liège : la CRS-R doit être appliquée au patient au minimum 5 fois en 10 jours pour que les résultats soient considérés comme fiables (cf. Evaluations comportementales chez les patients en état de conscience altérée – Wolff et coll – EMPR 2018 – page 54).

 

Une bonne évaluation nécessite également des conditions favorables : un milieu stimulant et bienveillant permettant au patient d’être en confiance, puis une évaluation par une équipe pluridisciplinaire formée à l’observation, familière du patient, en relation avec ses proches. Dans tous les cas, la règle fondamentale selon laquelle une absence de manifestation de conscience à un instant donné ne signifie pas l’absence de conscience, doit être rappelée.

 

La seule imagerie morphologique ne peut en aucun cas, à elle seule, fonder l’évaluation de l’existence ou non d’une conscience. L’évaluation clinique comportementale dans les conditions énoncées ci-dessous, reste fondamentale. Elle peut être avantageusement complétée par l’imagerie fonctionnelle, laquelle n’a de valeur qu’en cas de résultat positif.

 

C’est forts de toutes ces considérations que, au quotidien, dans nos unités, conformément à la circulaire n°2002-228 du 3 mai 2002, nous prenons en soin, de la même façon, les personnes en état de conscience minimale et celles en état d’éveil non répondant.

 

Dès lors que Monsieur Vincent Lambert n’est pas dans le coma, n’est pas exposé à un risque vital, et n’est pas en fin de vie, il relève de cette circulaire relative aux droits des patients.

 

Monsieur Vincent Lambert n’a pas été évalué conformément aux règles de l’art. Cela est d’autant plus inquiétant que ce qui s’appliquera à sa personne pourrait, par la suite, concerner aussi tous ceux qui partagent sa condition.

 

Conscients du caractère exceptionnel de la présente démarche, il nous parait, en conscience, nécessaire de vous alerter.

 

Nous vous prions d’agréer, Mesdames et messieurs les Juges du tribunal, l’expression de toute notre considération pour votre responsabilité et votre lourde tâche en ces circonstances.

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