Victoire contre l’eugénisme à l’Assemblée nationale : Pas de destruction des “embryons trisomiques” en l’éprouvette

Publié le 9 Oct, 2019

Au cours des débats à l’Assemblée nationale autour du projet de loi de bioéthique, les députés ont fermement rejeté les tentatives visant à étendre le diagnostic préimplantaoire[1].

 

Les députés poursuivaient lundi soir les débats sur le projet de loi bioéthique. A l’ordre du jour, deux pratiques intrinsèquement liées car elles entrainent des destructions embryonnaires : le DPI-HLA (dit bébé-médicament) et l’extension du DPI (diagnostic préimplantatoire) aux aneuploïdies[2], donc à la trisomie 21 (dit DPI-A).

 

Jusqu’à présent, peuvent recourir au DPI-HLA des parents dont l’enfant est atteint d’une maladie génétique reconnue comme incurable, entraînant la mort dès les premières années de sa vie. L’objectif est de sélectionner un enfant à la fois indemne de la maladie (1ère sélection) et « compatible » (2ème sélection) avec son frère ou sa sœur. De sorte qu’une greffe de sang de cordon ou de moelle osseuse peut être réalisée. Cette technique nécessite un double tri d’embryons[3].

 

La fin du « bébé médicament »

 

Jean-François Eliaou, le rapporteur du projet de loi sur ce point, est favorable au maintien du DPI HLA. Rappelant que cette pratique ne concerne que quelques enfants par an, la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, émet un avis de sagesse, considérant en tant que médecin, qu’elle n’a pas un avis libre et indépendant sur cette question.

 

Des députés n’ont pas hésité à faire part de leur désaccord profond au sujet de cette pratique. Selon Xavier Breton (LR), « on utilise l’embryon comme un moyen et pas comme une fin ». Thibault Bazin (LR) rappelle que « l’enfant doit être accueilli pour lui-même et pas pour l’autre ». Blandine Brocard (LREM) s’est également opposée à cette pratique du bébé-médicament. Elle a notamment rappelé son inutilité puisque le réseau des banques de sang de cordon et la diversité des unités stockées sont tels que tous les patients devant subir une greffe de sang de cordon trouvent un greffon compatible. Suivant ces prises de parole, l’Assemblée nationale a voté la suppression du DPI-HLA.

 

Le gouvernement s’oppose au Diagnostic préimplantatoire pour la trisomie 21

 

Les députés ont ensuite débattu des amendements déposés notamment par Jean-Louis Touraine (LREM) et Philippe Berta avec le groupe MODEM visant à étendre le DPI aux aneuploïdies. Agnès Buzyn a émis un avis défavorable. Considérant que cette question du projet de loi est « la plus difficile à trancher », elle s’est interrogée : « La question est de savoir quelle garantie nous avons, si nous passons ce cap, que l’on n’ira pas au-delà. C’est la seule question que doit se poser le législateur, s’agissant d’une loi de bioéthique. » Evoquant le mythe de l’enfant sain, elle se demande « comment faire en sorte que cette technique ne soit pas proposée à tous les couples en démarche de fécondation in vitro ? On passerait dans ce cas d’une moyenne de 250 couples par an qui font un DPI à 150 000 PMA ». Selon elle, avec cette pratique du DPI-A, « il peut y avoir des faux positifs et des faux négatifs, c’est-à-dire que les cellules étudiées peuvent paraître saines alors que les cellules restantes sont malades. Il s’agit donc d’une fausse sécurité. Surtout, cela reviendrait, pour toutes les trisomies et surtout pour la trisomie 21, à un diagnostic prénatal préimplantatoire ».

 

Jean-François Eliaou, rapporteur du texte, évoque le risque de faux positif pour justifier l’avis défavorable qu’il soutient contre cette pratique et son rejet du DPI-A.

 

Des arguments fallacieux dénoncés

 

Pour Jean-Louis Touraine l’objectif du DPI-A est d’améliorer l’efficacité des FIV. A ce dernier qui parle d’aneuploïdies, Daniel Fasquelle (LR) qui souligne le risque eugénique de cette pratique, répondra « J’entends aussi notre collègue Touraine parler d’aneuploïdie pour ne pas dire les choses telles qu’elles sont, à savoir que c’est la trisomie 21 qui est visée ici. Ayez au moins le courage de défendre vos opinions et utilisez des mots que tout le monde peut comprendre ! ». Le député pointera l’incohérence de certains : « Il ne sert à rien de faire des grands discours et de lutter pour l’inclusion scolaire des enfants handicapés, si nous débattons ce soir d’un tri épouvantable visant à ce qu’il n’y ait plus d’enfants handicapés. » Pascal Brindeau (UDI) poursuit : « Notre société se veut inclusive ; nous ne pouvons pas à la fois examiner des projets ou propositions de loi visant à favoriser l’inclusion de ces enfants, et dire à certaines familles qu’elles pourraient avoir la possibilité, en recourant au DPI-A, de limiter le risque d’avoir un enfant atteint de trisomie. C’est incohérent sur le plan philosophique, sur le plan de l’humanisme que nous promouvons tous. »

 

Souhaitant « épargner des souffrances aux femmes à qui l’on implanterait des embryons non viables par un processus technique compliqué dont la fausse couche serait la seule issue », Jean-Noël Barrot (MODEM) souhaite qu’une distinction soit faite entre les embryons viables et ceux qui ne le sont pas. Il sollicite une suspension de séance afin de proposer des sous amendements à celui de Philippe Berta, l’un pour exclure la trisomie 21 du DPI, l’autre pour écarter plus largement les embryons viables.

 

Agnès Buzyn se prononce de façon très défavorable à ces sous amendements car, dit-elle, « nous ne pouvons pas recourir à une technique qui nous permettrait simplement d’améliorer la fécondation in vitro [en détectant les embryons non viables]  sans nous donner d’autres informations [par exemple l’existence d’un 3ème chromosome 21] sur des embryons viables atteints de pathologies que nous connaissons (…) nous ne pouvons pas demander à un médecin de faire comme s’il ne voyait pas ».

 

De même, Jean-François Eliaou s’y oppose pour raison scientifique : « Il faut faire attention aux embryons en mosaïque : prendre un échantillon de cinq cellules sur cent, cela fait… 5 %. On ignore complètement ce qu’il  se passe dans les 95 % restants ».

 

Une convergence des députés

 

Parmi les opposants à ces amendements et sous amendements, il y a avait des députés de toutes les couleurs politiques.

 

Patrick Hetzel (LR) rappellera qu’ « il faut se garder de perdre de vue la dimension humaine. Nous devons prendre en considération la vie. Or avec ces amendements, même sous-amendés, on risque d’éliminer des embryons viables ».

 

Sur cette extension du DPI, Blandine Brocard (LREM) s’est insurgée. « Chacun a un bébé différent ! Acceptons de ne pas être dans la science, dans la rentabilité. » Agnès Firmin le Bodo opposée à cette extension du DPI a rappelé qu’ « une loi de bioéthique, c’est avant tout une vision collective, même si cela nous place face à des choix individuels. En tant que législateur, notre rôle est de s’assurer que le texte que nous voterons résulte bien d’une vision collective ».

 

Quant à Dominique Potier (PS), il s’oppose fondamentalement à Jean-Louis Touraine, en ce que « cela ne relève pas que de la liberté individuelle : ce qui est en jeu dans cette relation, c’est le regard sur les autres, c’est nous-mêmes. On ne regarde pas de la même manière une personne en train de mourir si on a voté une loi sur le suicide assisté ou si on ne l’a pas votée ».

 

Les opposants à l’extension du DPI aux aneuploïdies ont remporté ce lundi soir une première manche : le DPI-A a été rejeté à 52 voix contre 32. Toutefois le risque n’est pas définitivement écarté. Cette question sera très probablement débattue au Sénat dans quelques semaines. Affaire à suivre. 



[1] A ce jour, le DPI n’est autorisé que si le couple a une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d’une maladie génétique d’une particulière gravité reconnue comme incurable.

[2] Une aneuploïdie est une anomalie du nombre de chromosomes.

 

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