Dans un article intitulé "Le désir d’enfant peut-il aller trop loin ?", le magazine Marie Claire donne la parole à Elisabeth Belghiti, psychologue et membre du Centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin à Paris et à Sophie Marinopoulos, psychanalyste au CHU de Nantes.
Les femmes recourant aux techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) (FIV, insémination artificielle, etc) pour avoir un enfant sont de plus en plus nombreuses, "quels que soient parfois les risques, et le prix à payer". Pour Elisabeth Belghiti, le désir d’enfant est un "désir existentiel" et un "élan de vie" et les femmes et les couples recourant à la science pour donner naissance à un enfant "ne sont ni dans le caprice ni dans la folie". Selon elle, "il faut continuer à encadrer, à fixer des limites, certes, mais il faut aussi assouplir les lois de bioéthique, notamment en ce qui concerne la limite d’âge de la femme pour devenir mère".
"Si on peut faire, doit-on tout faire ?" s’interroge de son côté Sophie Marinopoulos qui souligne qu’il existe "des lois symboliques dans la filiation" : "On arrive au monde avec un père et une mère. Les liens affectifs précoces sont fondamentaux pour se construire". Elle constate que certains professionnels de l’AMP ne savent pas dire non à un désir d’enfant : fermer la porte à ce désir est assimilé à de la discrimination. "On est dans une société qui propose immédiatement des solutions, et on ne supporte plus la différence. Je trouve très inquiétant un désir d’adulte sans limite". Aujourd’hui, la science permet de "faire un bébé hors du corps, du sexe. Même la mort peut donner la vie (cas d’insémination post mortem, ndlr). Je vois beaucoup de femmes qui veulent un enfant après avoir raté leur vie affective. Elles veulent réparer et faire un enfant sans rencontre. Je trouve cela dangereux. On est en train de vider notre conception de l’humanité". Sophie Marinopoulos alerte sur le risque de "l’enfant réparation" : "Celui-ci n’est pas encore né qu’il doit déjà répondre aux attentes de la mère. Il est pris en otage d’un désir fou. Surtout qu’une fois qu’on a fabriqué le bébé, on ne s’intéresse plus à ces mères". Certaines vivent un "décalage, parfois énorme, entre l’attente qu’elles avaient de cet enfant fantasmé, porteur de toutes les réparations, et l’enfant réel, qui fait du bruit, dérange… Un enfant qui ne va pas tout réparer et qui ne sera qu’un enfant". Selon la psychanalyste, il faut accompagner ces femmes dans leur désir sans pour autant tout accepter, en instaurant "un cadre dans lequel on accompagne ces demandes hors norme".
Marieclaire.fr 28/07/11