Alors que la Russie célébrait, le 8 juillet 2010, la troisième édition du "Jour de la famille, de l’amour et de la fidélité", certains démographes s’inquiètent du peu de naissances dans le pays, alors que l’on compte 67 avortements pour 100 nouvelles naissances. Le vaste pays ne compte que 26 millions d’enfants. Près de 20% des couples russes sont aujourd’hui sans enfants. Plus de 2 millions d’avortements sont pratiqués chaque année. Les IVG sont le plus souvent effectués sur des femmes très jeunes : en 2009, près de 90 000 avortements concernaient des femmes de moins de 19 ans selon Pavel Astakhov, délégué aux droits de l’enfant auprès du président russe. L’Etat reste silencieux devant ce problème remarque Elena Mizoulina, présidente du comité de la Douma russe aux affaires de la famille, des femmes et des enfants.
Pendant l’époque soviétique, des statistiques montrent que les femmes "pratiquaient, en moyenne, au moins 5 avortements au stade initial de la grossesse". Aujourd’hui, les raisons expliquant le nombre élevé d’avortements ne sont pas forcément d’ordre socio-économique selon la journaliste Olga Sobolevskaïa. Bien que l’année 2009 ait enregistré le plus fort taux de naissances (1 764 000) depuis 1991, les démographes restent vigilants. Si l’assistance sociale et financière de l’Etat incite des familles à avoir des enfants, "la conjoncture économique n’est déterminante en matière de planification familiale que pour 8% des familles" selon Sergei Zakharov, directeur adjoint de l’Institut de démographie de l’Ecole supérieure d’économie.
Ce sont d’abord des raisons "idéologiques" qui, depuis bientôt 20 ans, motivent le refus de nombreux couples d’avoir des enfants. Suite à l’importation des "valeurs occidentales" en Russie, Sergei Zakharov explique que "les personnes en âge de se reproduire ont désormais d’autres priorités, à savoir leur carrière et le besoin de se réaliser". La transmission de "stéréotypes familiaux" expliquerait aussi le déclin des naissances : les anciens enfants uniques, c’est-à-dire la majorité des adultes actuels, ne souhaitent probablement pas avoir plusieurs enfants. De façon générale, la naissance d’un troisième enfant est jugée indésirable.
Pour prévenir les avortements, certains experts souhaitent que des psychologues, médecins et assistants sociaux s’investissent activement auprès des jeunes dans les écoles, ainsi que dans les services de gynécologie-obstétrique et les services d’aide psychologique. Différentes régions russes comptent des associations de soutien pour les femmes enceintes en situation de crise.
Aujourd’hui, les cliniques privées d’avortements pratiquent des IVG "sans répit", 24h sur 24, et "la publicité de ces ‘usines’ est débordante dans la plupart des médias", au point que l’on peut dire "les avortements au stade initiale de la grossesse continuent de rester l’outil principal de la planification familiale en Russie".
Elena Mizoulina juge inacceptable la possibilité "d’avorter presque sans restrictions jusqu’à la 12ème semaine de grossesse". Elle évoque des moyens concrets pour aider à réduire les avortements dont celui de faire écouter aux femmes les battements du coeur de leur enfant. Actuellement, un groupe interministériel travaillerait sur un projet de loi.
Ria Novosti (Olga Sobolevskaïa) 08/07/10