Libération revient sur la "révolution sexuelle" amorcée dans les années 1960. Le quotidien retrace l’histoire de la contraception (la loi Neuwirth est votée en 1967) et de l’avortement (la loi Veil est adoptée en 1974, à 3h40 du matin).
Juriste et chercheuse au CNRS, Marcela Iacub analyse cette "révolution sexuelle". Pour elle, en 1968, "on s’est contenté de changer le contenu des contraintes". "Il est faux de croire qu’on est passé d’un monde dans lequel on était accablé par des contraintes injustes, vers un régime de liberté procréative" parce que au "vieux maître rigide qu’était le mariage" s’est substitué un autre maître "tout aussi arbitraire, et, sans doute, plus redoutable encore" : le sexe. "Par ceci, j’entends un ensemble de normes juridiques qui a fait de la sexualité, non seulement le fondement des liens de filiation au détriment de la volonté, mais aussi la chose la plus importante en ce qui concerne notre bien-être psychique", explique-t-elle. Or, "la sexualité n’est pas une activité libre gouvernée par le seul consentement, mais quelque chose d’extrêmement délicat et dangereux qui peut, à tout moment, mettre en miettes notre santé mentale".
Une des conséquences de cette "révolution" est que "la famille n’est plus organisée autour du mariage mais du ventre fertile des femmes" qui ont désormais le pouvoir de faire naître. Mais on oublie souvent que les femmes ne sont pas seules dans le processus de procréation. Et, pour Marcela Iacub, si un homme ne peut pas imposer à une femme d’avorter, il est "un peu gonflé" qu’une femme puisse imposer à un homme une paternité. "Pivot de la reproduction de l’espèce", les femmes auraient intérêt à partager ce pouvoir avec les hommes, ne serait-ce que pour "s’investir davantage dans la vie professionnelle, sociale et politique".
Selon Marcela Iacub on ne vit pas aujourd’hui une pleine liberté sexuelle : "la sexualité peut être consentie, mais pour autant pas autorisée dans le droit actuel". "Il en va ainsi de la sexualité commerciale" et "de certaines pratiques sexuelles", comme celles supposant la présence de plusieurs partenaires qui "ne sont autorisées qu’aux majeurs de 18 ans".
"Plus généralement, je crois que le sexe a été un formidable alibi pour que l’Etat casse les instances intermédiaires qui s’occupaient de gouverner la vie privée : la famille, les écoles, les églises. C’est dorénavant le droit, et surtout le droit pénal, qui est devenu l’arbitre des conflits interpersonnels, au détriment d’autres normes morales, disciplinaires ou de politesse", conclut-elle.
Libération (Charlotte Rotman) 29/02/08