Le tribunal administratif de Paris a rejeté jeudi 14 octobre 2010 le recours en illégalité déposé par la Fondation Jérôme Lejeune contre l’Agence de la biomédecine dans le cadre d’une autorisation de recherche sur des cellules souches embryonnaires. La Fondation a annoncé vendredi 15 octobre 2010 qu’elle faisait appel de cette décision : "On pouvait espérer du juge administratif qu’il sanctionne l’Agence de biomédecine, laquelle juge la loi, la réécrit, et décrète du caractère superflu de certaines de ses dispositions. La Cour administrative d’appel de Paris aura peut-être ce courage", a déclaré l’avocat de la Fondation, Me Antoine Bauquier.
La Fondation avait déposé en 2008 (cf. Synthèse de presse du 06/10/10) un recours en illégalité à l’encontre d’une décision de l’Agence de biomédecine concernant une autorisation accordée à l’Institut I-Stem visant à modéliser une maladie génétique héréditaire, la dystrophie musculaire facio-scapulo-humérale, sur des cellules issues de la destruction d’embryons humains atteints de cette affection et rejetés après un diagnostic préimplantatoire.
Or en France, la recherche est autorisée, à titre dérogatoire, sous réserve du respect strict et cumulatif de deux conditions : les recherches doivent permettre des "progrès thérapeutiques majeurs" et ne peuvent être menées "par une méthode alternative d’efficacité comparable". Pour la Fondation, l’autorisation accordée ne respecte ni l’une ni l’autre de ces conditions.
Le tribunal en a pourtant jugé autrement, mais ce faisant il modifie les conditions d’application de la loi. En effet, concernant la première condition, il avance que "l’objet de la recherche autorisée tend bien au développement de stratégies thérapeutiques pour lutter contre la maladie grave et incurable en question". Or, la réalité thérapeutique du projet n’est même pas identifiée dans les écritures de l’ABM.
Concernant la seconde condition, il estime que la Fondation Jérôme Lejeune n’aurait pas fait la preuve de l’efficacité d’autres cellules (les cellules iPS) pour modéliser la pathologie en question. Mais c’est un renversement de la charge de la preuve : c’est l’ABM qui doit s’assurer qu’il n’y a pas d’alternative d’efficacité comparable. Cela manifeste donc que l’ABM n’a pas pris en compte les récentes études sur les cellules iPS pour délivrer l’autorisation.
En effet, en 2008, les chercheurs américains de l’Institut des cellules souches de Harvard et de l’Université de Stanford avaient déjà publié les résultats de travaux sans précédent prouvant qu’il était possible de transformer des cellules adultes prélevées chez des malades en cellules souches induites puis en cellules spécialisées reproduisant la maladie en cause. Le Pr George Daley, un des plus grands spécialistes de la question, s’était alors félicité de pouvoir générer des lignées cellulaires "pour un très grand nombre de maladies, à la fois pour notre équipe, nos collaborateurs, mais aussi pour l’ensemble de la communauté scientifique. Notre travail n’est que le début d’une entreprise qui permettra d’étudier des milliers de maladies dans des boîtes de Pétri". La modélisation de maladies in vitro était d’ailleurs, pour le Pr Yamanaka, découvreur des cellules iPS, la première application pratique de cette technique.
Dans un article de Liberté Politique, Pierre-Olivier Arduin s’interroge donc : "Pourquoi n’a-t-elle [l’ABM] pas bloqué des projets qui à l’évidence ne se justifiaient aucunement au regard de la rédaction rigoureuse et précise de la loi ?" La réponse ne tarde pas : "C’est l’Agence de la biomédecine qui nous la fournit avec une désinvolture qui se retourne aujourd’hui contre elle : "Cette condition [de méthode alternative d’efficacité comparable] semble au regard des réalités scientifiques superflues". L’ABM avoue donc s’être affranchie de la législation en jugeant inutile certaines de ses dispositions". Par ailleurs, le Pr Marc Peschanski, directeur du laboratoire I-Stem et du projet de recherche incriminé, avait lui-même félicité l’ABM, lors de son audition devant la mission parlementaire, de ne pas s’être attachée à un strict respect de la loi mais d’avoir joué le rôle "d’écran protecteur des scientifiques vis-à-vis des opposants à la recherche sur l’embryon".
Le Monde 16/10/10 – Liberté Politique.com 15/10/10 – Zenit 15/10/10 – Famille Chrétienne.fr (Claire Frangi) 18/10/10