Quelle souveraineté a-t-on sur soi-même ?

Publié le 8 Avr, 2008

Jean-Yves Goffi, professeur de philosophie à l’université Pierre-Mendès France à Grenoble et spécialiste des questions de bioéthique, revient dans le quotidien Le Monde sur la question de l’euthanasie. Il la définit de façon neutre en expliquant qu’elle "recouvre les situations où une tierce personne utilise des procédés qui permettent soit d’anticiper, soit de provoquer la mort d’un malade incurable qui en a fait la demande, et ce pour abréger ses souffrances ou lui épargner une situation de déchéance ou d’indignité extrême".

Il rappelle qu’étymologiquement, le mot euthanasie signifie "bonne mort" ou "belle mort" et que c’est à partir de la Renaissance que la question de l’euthanasie s’est médicalisée. En 1930, les nazis mirent en place l’opération "Aktion T4" dont le but était d’éliminer les malades mentaux jugés incurables. Les nazis parlaient alors de mesures euthanasiques.

Aujourd’hui, les adversaires de l’euthanasie affirment "qu’à partir du moment où on accepte le fait que les gens puissent mourir avec l’aide des médecins, l’interdit du meurtre est levé", explique Jean-Yves Golfi, qui reconnaît qu’il "faut toujours rester attentif aux dérives et aux détournements possibles". Autre argument, celui de la "dignité ontologique : l’existence humaine est par elle-même revêtue d’une dignité éminente, opposable non seulement aux autres, mais aussi à l’individu lui-même". Selon ce principe, "la vie humaine est revêtue d’une dignité telle que l’individu ne peut pas en disposer". Enfin, les croyants affirment le caractère sacré de la vie dont seul Dieu est le maître.

Du côté des partisans de l’euthanasie, il y a un argument non formulé  qui est celui du coût économique. Mais leur principal argument est aussi celui de la dignité. Ainsi les partisans de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) affirment-ils que "la maladie peut faire perdre son autonomie au malade, le rendant dépendant des autres de façon humiliante, l’enfermant dans sa souffrance et lui faisant perdre l’estime qu’il a de lui-même".

La différence fondamentale entre les partisans et les adversaires de l’euthanasie repose sur le droit ou non de disposer de sa vie, explique Jean-Yves Goffi. Il reformule ainsi la question : "les individus ont-ils, sur eux-mêmes, une souveraineté absolue ?".

Au niveau législatif, Jean-Yves Goffi soutient la position de Nadine Morano, ministre de la Famille, qui propose l’instauration d’une commission nationale d’euthanasie chargée d’examiner les cas exceptionnellement graves. Pour lui, la loi Leonetti a clarifié les choses mais ne répond pas à tous les cas de figure. Il existera toujours, selon lui, des cas où l’on pourra dire : "c’est une demande de mort qui a un sens et à laquelle il est légitime d’accéder".

Le Monde (Cécile Prieur) 07/04/08

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