Alors que le Conseil des Ministres vient officiellement d’accepter le projet de loi bioéthique qui doit être confié au débat de l’Assemblée nationale en septembre prochain, Aude Mirkovic, porte-parole de l’Association Juriste pour l’enfance, évoque la profonde remise en question que le projet de « PMA pour toutes » va introduire dans le droit de la filiation.
Que faites-vous lorsque vous devez faire état de votre filiation ? Vous produisez un extrait d’acte de naissance ; En effet, la filiation découle de l’acte de naissance qui indique à chacun de qui il est né.
Certes, la filiation ne se réduit pas à la biologie et cette naissance peut aussi être symbolique : c’est le cas des enfants adoptés ou reconnus par un homme qui ne les a pas engendrés.
Le projet de loi veut fonder la maternité de deux femmes sur leur l’intention d’être mères, au pluriel, d’un enfant. Soit. Mais, comme deux femmes ne peuvent engendrer un enfant, elles ne peuvent indiquer à l’enfant son origine, pas même symbolique. C’est donc le sens même de la filiation qui change : la filiation dans ce projet n’indique plus à l’enfant de qui il est né, pas même symboliquement. Elle désigne à l’enfant ses responsables légaux.
Les parents deviennent des responsables légaux comme les autres, au même titre qu’un tuteur. Mais un tuteur n’a jamais indiqué à qui que ce soit son origine ; Un tuteur n’inscrit personne dans une généalogie. Un tuteur n’indique à personne de qui il est né. Ce n’est même plus un acte de naissance qui est dressé mais un acte de référencement légal.
Pour se réjouir de ce changement ou le refuser, encore faut-il en avoir conscience et une chose est certaine, il est erroné de prétendre que la PMA sans père ne change rien car cela change tout.
Pour les enfants concernés, ces deux responsables légaux appelés mères ont pour rôle constitutif d’évincer le père. On l’appelle géniteur pour atténuer la violence de cette privation mais il n’y a là qu’un cache-misère.
Ce n’est certes pas une nouveauté : ces enfants de donneurs ressemblent étrangement aux enfants nés hors mariage au 19ème siècle, qui eux non plus n’avaient pas d’action en recherche de paternité contre leur géniteur. Les bâtards d’autrefois, privés d’existence dans leur branche paternelle, est-ce un modèle pour un législateur au 21ème siècle ?
Mais cette filiation fondée sur l’intention impacte aussi tous les autres enfants, 18 millions de familles privées de la filiation généalogique puisque le projet de loi fait prévaloir le désir, le projet, l’intention sur la référence à la biologie.
Un seul exemple de cet impact sur tous : lorsqu’un homme ne voudra pas assumer sa paternité, que faire ? Que l’enfant soit issu de son spermatozoïde est complètement hors jeu : finie l’action en recherche de paternité, finie la pension alimentaire. La mère devra se débrouiller seule puisque le géniteur n’a pas de projet parental.
Les manques, les interrogations, les pages blanches en matière de filiation engendrent des souffrances déjà bien assez répandues : ce n’est pas à la loi de provoquer ces manques, ni le manque père via la PMA sans père, ni demain le manque de mère via la GPA.
Dans son rapport favorable à la PMA sans père, M. le député Touraine préconise l’intégration d’un pédopsychiatre au suivi post AMP[1] : pourquoi prévoir l’accompagnement d’un pédopsychiatre, si la situation est vraiment anodine pour l’enfant ?
Selon le même rapport, la levée de l’anonymat est nécessaire car « l’accès aux origines… permettra de répondre à une souffrance »[2] : c’est bien l’aveu que la conception par donneur engendre une souffrance, et qui peut sérieusement croire que l’accès à l’identité du donneur à 18ans peut compenser l’absence de filiation paternelle ?
Nous demandons aux députés de relever le défi de leur mission de législateurs : dans un Etat de droit, la réalisation des projets des uns trouve sa limite dans le respect des droits des autres.
L’association Juristes pour l’enfance fait partie du Collectif « Marchons enfants » qui appelle à une vaste mobilisation contre la révolution de la filiation et de la reproduction qui s’annonce à travers la PMA sans père et la GPA. Elle aura lieu le dimanche 6 octobre prochain à Paris.
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