PMA pour toutes, autoconservation des ovocytes, filiation à l’Assemblée nationale : des avis contradictoires

Publié le 21 Juin, 2018

PMA pour toutes, autoconservation de ovocytes, filiation, les audition thématiques de l’Assemblée nationale se poursuivent.

 

Dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique, la quatrième audition des Commissions des Lois et des Affaires sociales s’est tenue hier à l’Assemblée Nationale. Au programme : Procréation et société, un sujet qui ne fait pas consensus ! Six experts : Sylviane Agacinski, philosophe, Pr René Frydman, gynécologue-obstréticien, Dominique Mehl, sociologue, directrice de recherche au CNRS, Aude Mirkovic, maître de conférences à l’université d’Évry, Irène Théry, sociologue et Jean-Pierre Winter, psychanalyste, ont été entendus.

 

Vers l’autoconservation des ovocytes ?

 

Le docteur Frydman, gynécologue-obstétricien et père du premier bébé-éprouvette, a apporté un éclairage médical sur la PMA. Les résultats de cette technique sont bien moindres que ceux que la médecine espérait, notamment, explique-t-il, en raison de l’âge avancé des femmes qui y ont recours. Il défend la mise en place d’une prévention. L’idée serait bonne si elle permettait en effet de prévenir la baisse de la fertilité de la femme ou bien d’aider les femmes plus jeunes à concilier travail et enfants. Mais sa proposition est tout autre et pousse dans le sens d’une sollicitation toujours plus grande de la technique puisqu’il plaide pour l’autoconservation des ovocytes ou bien pour le développement du don d’ovocytes. Si les sociologues Irène Théry et Dominique Mehl partagent le même point de vue, Dominique Mehl cependant s’étonne du paradoxe étonnant entre la position favorable des gynécologues et les risques médicaux pour la femme liés à l’autoconservation (cf. Don de gamètes : un arrêté remet en cause le principe de gratuité, Campagne autour du don de gamètes : l’Agence de biomédecine persiste et signe et Enquête : une femme sur six regrette d’avoir eu recours à la conservation de ses ovocytes). Une clarification est attendue.

 

Faudra-t-il abandonner la gratuité du don ?

 

Par ailleurs, devant la pénurie des dons de gamète déjà existante, c’est aussi une rémunération du don qu’il faut craindre et donc, un pas de plus dans la marchandisation du corps humain. Une crainte  également mise en avant par Sylviane Agacinski, philosophe, qui évoque aussi ce risque concernant la GPA. Elle rappelle que l’enfant n’est pas la propriété de la mère. Ce n’est pas une chose mais une personne que l’on ne peut ni acheter, ni vendre.

 

Dominique Mehl évoque aussi le problème de la dissociation de la maternité biologique dans le cas du don d’ovocytes, un « dédoublement de la maternité ». Certains parlent de co-maternité : « où est la raison ? », se demande Sylviane Agacinski.

 

Remise en cause du droit de la filiation

 

Plus largement, quand la PMA fait appel à un donneur, c’est toute la filiation qui est ébranlée. C’est la principale question soulevée par Aude Mirkovic, maître de conférences à l’université d’Évry (cf. Procréation et société à l’Assemblée nationale : faut-il institutionnaliser l’absence du Père ?). Autoriser l’extension de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes, reviendrait à « institutionnaliser dans la loi » l’absence de père. Or l’article 7 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant est clair : l’enfant a le droit de connaître ses parents. La loi française peut-elle aller à l’encontre d’un droit international qui lui est supérieur ? La filiation de droit commun est fondée sur la référence à l’engendrement de l’enfant. Le cas d’un enfant ayant deux mères ne rentre pas dans ce cadre : c’est bien plus qu’une loi de bioéthique qu’il faudrait réviser, c’est une refonte de la question juridique sur la filiation qui serait nécessaire !

 

Sylviane Agacinski ajoute que la procréation, c’est l’interdépendance des sexes, une asymétrie des sexes qui dépend des lois de la nature. Il y a une analogie entre la filiation et la procréation. Elle cite Levi Strauss : « Les liens biologiques sont les modèles sur lesquels sont conçus les liens de parentés» et elle s’interroge : est-il possible d’imposer à l’enfant une filiation unilatérale ?

 

Jean-Pierre Winter, psychanalyste, répond par la négative à cette question. Il affirme que la filiation est primordiale au développement de l’enfant. « Réduire la fonction paternelle, le père, à un spermatozoïde ! », c’est oublier qu’il est essentiel de s’inscrire dans une généalogie parce que « l’armature psychique se construit sur le squelette généalogique ». L’enfant a besoin de savoir qui est son père et qui est sa mère. Il n’est pas possible de faire disparaître le père ; deux femmes ne peuvent donner naissance à leur enfant ! Une position tirée d’observations cliniques qui se situe aux antipodes de celles d’Irène Théry qui affirme que « la PMA pour toutes » garantit au donneur de sperme qu’il ne sera jamais père. Les origines biologiques ne permettraient pas d’établir une paternité ou une maternité. Pourtant, s’il y en a un qui subit de plein fouet les conséquences de ce défaut d’origine, c’est bien l’enfant !

 

Un récent sondage Ifop montre que  93% des français pensent que les pères ont un rôle essentiel pour les enfants. Voulons-nous faire prévaloir les désirs des adultes ou faire respecter les droits de l’enfant ?

 

Pour aller plus loin :

Forum européen de bioéthique : Conserver ses ovocytes… ou pas ?

Procréation médicalement assistée : le bien et les droits de l’enfant au regard de l’expérience

Connaître ses parents biologiques : « condition sine qua non pour savoir qui on est complètement »

 

 

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