« PMA pour tous » : une annonce gouvernementale « irresponsable », « surprenante », « hypocrite » et « anticonstitutionnelle »

Publié le 4 Juil, 2016

La ministre de la Famille a annoncé, à la suite de François Hollande, l’abrogation d’une circulaire « punissant les gynécologues orientant leurs patientes vers l’étranger pour y subir une PMA » (cf. PMA : François Hollande encourage le tourisme procréatif pour les femmes homosexuelles). Cette annonce a suscité de nombreuses réactions.

 

Une promesse « irresponsable », juge Guillaume Goubert, journaliste. Il compare la situation à « un gouvernement qui aurait promis de baisser les impôts mais faute de l’avoir fait encouragerait les contribuables à l’évasion fiscale ». Si l’ « idée est mauvaise, il n’y a pas lieu de faciliter la tâche à ceux qui veulent contourner l’interdiction actuelle ». Ce « petit arrangement » pourrait être « lourd de conséquences, notamment en affaiblissant la lutte que le gouvernement prétend mener contre le recours à la GPA au-delà des frontières »

 

Pour Jean Yves Nau, la ministre « fait une lecture personnelle de la loi de bioéthique », en estimant qu’en France « seule la GPA est effectivement et dans tous les cas interdite ». Plus profondément, « elle feint d’ignorer les fondements de la loi de bioéthique qui de manière explicite inscrit les actes de PMA dans le champ de la thérapeutique d’une pathologie ». Il y a encore peu de temps, les dons d’ovocytes rémunérés à l’étranger « inquiétaient », « alarmaient » la DGS[1], mais aussi l’ABM[2]. « La fin de la menace qui pesait sur les médecins conduira-t-elle à la reprise des activités hier tenues pour à risque – ou contraires à la loi et à l’éthique ? », s’interroge Jean Yves Nau.

 

Ludovine de la Rochère, présidente de la Manif Pour Tous, se scandalise de « l’hypocrisie » du gouvernement : « Sans remettre en cause l’interdiction de la PMA pour les couples de femmes et les femmes célibataires, le gouvernement entend commencer à faciliter le contournement de cette interdiction, c’est-à-dire à faciliter le non respect de  la loi ». Cette mesure « reviendrait à mettre le doigt dans un engrenage qui risquerait de mener à la PMA ‘sans père’ puis à la GPA ».

 

Pour les juristes, « cette décision est contraire à la Constitution ». Jean Hauser, professeur émérite de droit privé à l’Université de Bordeaux, rappelle que « le texte qui fondait la circulaire demeure puisque c’est une loi ». Une abrogation de cette circulaire « se situe donc dans une stratégie des pouvoirs publics de ne pas avaliser ces pratiques mais de multiplier les aménagements périphériques en préparant une future abrogation ». Pour Adeline Le Gouvello, avocate à la Cour, la déclaration de Laurence Rossignol est « surprenante  de la part d’un ministre », car elle « méconnait le principe fondamental de la légalité des délits et tendrait à faire croire que la loi pénale n’aurait pas vocation à s’appliquer à l’égard d’une certaine catégorie de population ».

 

Le délit punissant des gynécologues de cinq ans de prison « lorsqu’il orienterait des patients vers des cliniques étrangères », est inscrit dans la loi du 29 juillet 1994. « Ce que la loi a fait, seule une autre loi peut le défaire », rappelle Adeline Le Gouvello, « et non pas une décision de la ministre ». En outre, « si le législateur a pris soin de restreindre l’accès à la PMA, c’est pour garantir à l’enfant le respect de sa filiation »

 

[1] Direction Générale de la Santé.

[2] Agence de Biomédecine.

 

Le Figaro (4/07/2016); Atlantico (5/07/2016); Jean Yves Nau (4/07/2016); La Croix (4/07/2016); LMPT (4/07/2016)

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