Emmanuel Sapin, expert de Gènéthique, transmet à Gènéthique la tribune qu’il a publié dans le Figarovox sur l’enjeu de la parthénogénèse.
La perspective d’un traitement efficace des maladies dégénératives ne peut que nous réjouir. Un nouvel espoir vient de naître avec l’information (cf. Des cellules spéciales pour traiter la maladie de Parkinson) délivrée par l’International Stem Cell Corp d’une recherche expérimentale de création de cellules souches parthénogénétiques destinées à palier la déficience des cellules neurologiques dans la maladie de Parkinson.
Cette technique de parthénogenèse consiste en l’activation d’un ovocyte, en l’absence de spermatozoïdes. Au moment de la division cellulaire appelée méiose la cellule en division garde artificiellement sous l’effet de manipulations chimiques et électriques un nombre double de chromosomes en empêchant l’éjection du globule polaire. La cellule qui en résulte, si elle possède le nombre normal de chromosomes (46, soit 23 paires) ne résulte pas d’un assortiment de 23 chromosomes d’origine maternelle et de 23 chromosomes d’origine paternelle mais uniquement d’un dédoublement des chromosomes de l’ovocyte.
En application clinique, il faudra mesurer le risque encouru par le malade avec l’injection de cellules dont on ne connaît pas le devenir et le mode de développement. La recherche clinique expérimentale est encadrée, en France, par la Loi Huriet de 1988. Le respect des différentes phases expérimentales et cliniques est le garant du sérieux et de la rigueur de la recherche avant toute application à l’homme. L’essai préclinique, phase actuelle de la recherche en question, est essentiel avant d’envisager l’utilisation de telles cellules comme traitement.
Les cellules parthénogénétiques peuvent elles être considérées comme des embryons humains ? On fabriquerait alors artificiellement un nouvel être humain qui serait utilisé comme médicament pour traiter un autre être humain, le premier étant en définitive réduit à l’état de chose et détruit par la manipulation.
Deux arguments viennent s’opposer à reconnaître dans les cellules souches parthénogénétiques un être humain : si ces cellules ont le nombre normal de chromosomes, elles ne possèdent pas la complémentarité de l’apport des deux génomes d’origines différentes, nécessaire au développement d’un nouvel être humain en formation. En outre, ces cellules souches obtenues par ces techniques de parthénogenèse ne pourront, au stade actuel de la science, se développer au-delà de quelques étapes et dégénèreront : elles n’ont aucune perspective de développement pour donner naissance à un nouveau-né. Ontologiquement, ces cellules souches parthénogénétiques, sans avenir naturel, ne peuvent être considérées dans la filière du développement de l’être humain.
Le 18 décembre 2014, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a autorisé (arrêt C-364/13) le brevetage d’ovules activés par manipulation génétique à condition que les cellules qui résultent de ces manipulations ne puissent se développer en Êtres Humains et être qualifiées « d’embryons ». Elle rappelait que « pour pouvoir être qualifié d’”embryon humain”, un ovule humain non fécondé doit nécessairement disposer de la capacité intrinsèque de se développer en un être humain ». En effet – et c’est ce que l’on appelle l’empreinte parentale – l’expression génétique spécifique et complémentaire de chacun des 2 génomes est indispensable au développement du nouvel être humain en formation, ce qui n’est pas le cas de l’embryon parthénogène. La CJUE refusait cependant la demande de brevetabilité de tels embryons : « dans l’hypothèse où un tel ovule disposerait de la capacité intrinsèque de se développer en un être humain, il devrait être traité de la même façon qu’un ovule humain fécondé, à tous les stades de son développement ».
S’il est à l’honneur des scientifiques de chercher un traitement pour entraver l’évolution inéluctable des maladies neurologiques ou neuromusculaires dégénératives, par la thérapie génique et la thérapie cellulaire, injecter dans le corps d’un être humain des cellules ayant un potentiel propre de développement, inscrit dans un génome étranger à la personne soignée, outrepasse le soin ou la simple « réparation » d’organes ou tissus défectueux. En effet cette pratique induit un comportement autonome étranger au corps réel du patient. C’est le danger du transhumanisme, totalement opposé à tout respect écologique de la personne humaine, comme à l’échelle végétale le sont les organismes transgéniques.
Une autre question éthique est soulevée avec la fabrication expérimentale d’embryons humanoïdes. Il s’agira alors de fabriquer des êtres de deuxième ordre, sorte de sous-hommes, fabriqués pour être des substituts d’organes ou de fonctions aux “vrais hommes” lorsque ceux-ci viennent à dégénérer ou simplement vieillir. La fabrication d’humanoïdes laisse perplexe et c’est pour cette raison qu’une recherche expérimentale, même avec un motif louable de thérapeutique, mais qui impliquerait de telles perspectives, doit être exclus des pratiques.