« Nous, malades, prenons la parole en faveur des soins palliatifs et d’accompagnement, qui soulagent la douleur, et appelons à refuser l’euthanasie (ou sa version préliminaire, le suicide assisté), parce qu’elle accroîtrait, au lieu de les réduire, la souffrance et l’injustice. » C’est l’appelle de Christophe Régnier, Françoise Bourlière et Christèle Périsse, touchés par une grave maladie, dans une tribune publiée par le journal Le Figaro.
Une « double mystification »
« Lanceurs d’alerte », les signataires dénoncent une « double mystification qui pèse sur le débat » : « le problème tel qu’il est posé exprime une méconnaissance de bien-portant, et sa présentation dissimule la réalité économique ».
La maladie mortelle est en fait « une puissante incitation positive à vivre », affirment-ils. Quand « le bienportant, s’imaginant que la maladie est tout le contraire de la vie, déclare parfois, de loin, qu’il lui préférera la mort ».
Demander à mourir est pour le malade « la seule façon de dire « vous me laissez trop seul », « tu ne viens pas me voir assez souvent », « est-ce que tu tiens à moi ? » », rappellent les trois signataires. Or « la loi qu’on prépare lui fera rentrer ces paroles dans la gorge et, en le forçant à ce choix faussement libre qu’il ne demande pas, l’enfermera dans la solitude », avertissent-ils (cf. Euthanasie : « Ce prétendu droit m’enlève ma dignité, et tôt ou tard, me désigne la porte »).
Certes, l’euthanasie ne sera pas obligatoire, « mais la situation du malade dépendant sera renversée », pointent Christophe Régnier, Françoise Bourlière et Christèle Périsse : « nous aurons à justifier notre volonté de vivre, devant nous-mêmes comme devant notre famille et la société ».
Une question de droits individuels ?
« Placer le débat sur le terrain des seuls droits individuels, comme s’il s’agissait de se donner contre la souffrance une assurance individuelle supplémentaire, toujours bonne à prendre quitte à ne pas l’utiliser », est une autre « mystification ».
Les signataires de la tribune dénoncent ce qui est un « faux choix », bientôt « balayé par la réalité économique ». « Car les soins palliatifs coûtent cher et l’euthanasie presque rien, alors que l’allongement de la vie promet une multiplication des cancers et de l’Alzheimer. »
Christophe Régnier, Françoise Bourlière et Christèle Périsse prédisent une « fracture sociale », entre privilégiés qui « auront seuls accès aux soins palliatifs, aux dépens des pauvres qui, eux, n’auront que le poison ». « On prend les gens pour des sots, assurent-ils : on manque déjà de médecins dans les déserts médicaux (qui incluent les villes), et ils auraient accès aux soins palliatifs qui supposent des hôpitaux ou du personnel médical passant au domicile pendant des semaines ? »
Le mirage de la clause de conscience
La légalisation de l’euthanasie aura aussi un impact sur les soignants. C’est une clause de conscience exigeant de référer à un confrère qui sera instituée. Dès lors « des jeunes désireux de soigner renonceront à ces métiers, et la qualité du recrutement faiblira ». « Les malades auront de plus en plus devant eux des médecins cyniques (ils existent) à qui il sera égal de faire vivre ou mourir. On aura changé les soignants en exécuteurs », craignent les signataires.
Finalement, « on commet une tragique erreur quand on s’imagine que cette loi n’enlèverait rien à personne ». Et « en s’alignant sur la représentation de bien-portants inquiets pour leurs vieux jours, on instrumentalise la souffrance des malades qui demandent à vivre et non à mourir », dénoncent Christophe Régnier, Françoise Bourlière et Christèle Périsse.
« L’unique solution humaine et digne est une loi de développement massif des soins palliatifs », affirment-ils. Or « elle coûtera cher et exige une volonté politique qui n’existe pas à ce jour » (cf. Plan décennal pour les soins palliatifs : encore des promesses ?).
Source : Le Figaro, Christophe Régnier et Françoise Bourlière (04/04/2023)