Dans une décision rendue le 14 novembre, la cour d’appel de Montpellier a accordé le statut de « parent biologique » a un homme devenu femme qui souhaitait être reconnu comme mère de son enfant (cf. Un homme « devenu femme » réclame le statut de mère de son enfant).
La requête venait d’un « couple de femmes » dont l’une est née homme, mais qui a fait modifier son état civil avant d’avoir un troisième enfant avec sa femme. En 2016, la justice avait « considéré que la maternité est une réalité biologique ‘qui se prouve par la gestation et l’accouchement’ », ce que le couple a contesté.
Aujourd’hui, la cour d’appel estime qu’il est « de l’intérêt général » de « voir le lien biologique retranscrit » sur l’acte de naissance de l’enfant « sous la mention de ‘parent biologique’ ». « Le terme de ‘parent’, neutre, peut s’appliquer indifféremment au père et à la mère, et la précision ‘biologique’ établit la réalité du lien entre Mme et son enfant ». La cour exige la modification des registres en conséquence.
Pour l’avocate du couple, « c’est inédit que le lien de filiation biologique soit reconnu. C’est bien le nom de ma cliente sous son prénom féminin qui sera écrit sur l’acte de naissance, même si le tribunal n’utilise pas le mot mère ».
Si cette notion de parent existait déjà pour les couples homosexuels dans le cadre de l’adoption, elle ne pouvait figurer dans le cadre d’une filiation biologique. En faisant le choix de cet « entre deux », la cour d’appel s’est engouffrée dans un « vide juridique ». « La solution adoptée par cet arrêt est une cote mal taillée », estime Philippe Reigné, professeur de droit au Conservatoire national des arts et métiers. « À mon sens, le législateur devra se saisir de cette question au moment de la révision des lois de bioéthique, car il lui faut fixer les règles d’établissement de la filiation à l’égard des personnes trans. Cet arrêt bouleverse le droit actuel de la filiation et ouvre la perspective d’une suppression des termes de “père” et “mère” employés par le Code civil jusqu’à aujourd’hui», poursuit-il.
De son côté, l’avocat de l’enfant désigné par l’Union départementale des associations familiales de l’Hérault parle d’un « jugement tiède ». Il dispose de deux mois pour se pourvoir en cassation, de même que le procureur.
Le Figaro (14/11/2018) ; Jean-Yves Nau (14/11/2018)