L’euthanasie rejetée par les députés
Fin novembre 2009, les députés ont rejeté par 326 voix contre 202, la proposition de loi défendue par le socialiste Manuel Valls sur l’euthanasie. Celui-ci voulait instaurer une “assistance médicale pour mourir dans la dignité”. Concrètement, le texte proposait qu’un collège de quatre médecins puisse évaluer la recevabilité d’une demande d’euthanasie, réservée aux personnes majeures, dans un état grave et incurable. L’“aide à mourir” aurait été administrée sous surveillance médicale et après décès, chaque dossier aurait été adressé à une commission de contrôle. Le texte prévoyait la possibilité d’une clause de conscience pour les professionnels, à condition qu’ils orientent le patient vers un autre médecin. Il créait également un registre national des “directives anticipées” où toute personne majeure aurait pu s’inscrire.
Mobilisation contre l’euthanasie
De nombreuses personnalités ont réagi contre ce texte. “Le droit à la mort n’est pas un acte médical” a rappelé Jean Leonetti, auteur de la loi sur la fin de vie de 2005. “La démarche palliative ne peut pas se terminer par une démarche euthanasique. C’est antinomique. La philosophie médicale de l’accompagnement n’est pas celle de la rupture de vie”. Pour Luc Ferry, il est inacceptable d’établir une équivalence entre “dépendance” et “indignité” : “l’idée même qu’un être humain puisse perdre sa valeur parce qu’il serait faible, malade ou vieux et, par la même, dans une situation de perte d’autonomie, me paraît à vrai dire intolérable sur le plan éthique”. Il plaide dans Le Figaro1 “pour un droit absolu des êtres humains à l’hétéronomie, à la dépendance et à la faiblesse même les plus extrêmes” dénonçant des“discours visant à faire comprendre à autrui qu’il vaudrait mieux faire place nette et cesser d’importuner le monde”. Alain Monnier, présidant l’Association d’accompagnement bénévole en soins palliatifs s’inquiète :“A l’heure où la fin de vie coûte de plus en plus cher, on pourrait passer d’un “droit à mourir” à un “devoir de mourir” pour des raisons économiques.” Régis Aubry, qui suit le plan soins palliatifs lancé par le chef de l’Etat pour la période 2008-2012, estime que si la loi n’est pas encore assez connue, les choses sont en train de changer : “…début 2010, tous les CHU seront dotés d’une équipe de soins palliatifs. L’observatoire national de la fin de vie doit également voir le jour. Enfin, une filière universitaire dédiée à ces questions sera ouverte à la rentrée prochaine”.
CCNE : favoriser les soins palliatifs
Interrogé, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu le 12 novembre 2009, son Avis “sur les questions éthiques liées au développement et au financement des soins palliatifs” répondant à la question suivante : “comment mettre en place un système de financement des soins, qui évite l’obstination déraisonnable par l’article L.1110-5 du Code de la santé publique et facilite les soins palliatifs ?”. Le Comité a voulu répondre plus largement que sur un plan strictement financier car il estime que les“aspects comptables ne sont pas les seules causes du retard constaté, dans l’application de la loi de 2005.”
Le CCNE, rappelant que “l’obstination n’est pas déraisonnable en elle-même” et qu’il faut trouver la juste voie entre l’obstination et l’abandon, préconise de diffuser les connaissances sur les pratiques et favoriser la concertation pour contribuer à éviter l’obstination déraisonnable.
Etudiant ensuite la complexité de la tarification des soins palliatifs puis les conditions d’un juste accès aux soins de qualité, le CCNE a constaté que “chacun des systèmes de financement successivement mis en place à l’hôpital a induit des effets pervers”. Le dernier système était basé sur une tarification à l’activité :“plus les séjours étaient courts, plus ils étaient rentables” ce qui a entraîné une “sélection des entrées en fonction de la durée prévisible du séjour, une discrimination de certaines maladies à évolution lente ou de certains malades, etc.” Ces effets ont été corrigés et aujourd’hui, note le CCNE, “la rémunération des séjours en soins palliatifs est devenue satisfaisante et incitative”. Toutefois si moins de 10 % des situations de fin de vie justifient le recours à des unités de soins palliatifs, “l’insuffisance de lits dédiés aux soins palliatifs, de même que la pénurie de personnels soignants font que la situation actuelle n’est pas à la mesure des attentes”.
Le CCNE évoque le besoin de formation et se prononce pour la “création d’emplois hospitalo-universitaires en médecine interne, options soins palliatifs” pour augmenter l’attrait de cette discipline.
Enfin l’avis propose de développer les unités mobiles de soins palliatifs : “loin d’être en position d’experts, ces équipes doivent apporter un complément de compétences dans un esprit de confraternité. Leur appui sur le terrain, au sein des services, a une efficacité pédagogique irremplaçable”.
En conclusion, le Comité rappelle que “les soins palliatifs ne sont pas un luxe que seule une société d’abondance pourrait se permettre, ils sont un potentiel novateur de l’activité soignante”.
1- Le Figaro, 26 novembre 2009