Mère porteuse : instrumentalisation ou expression de la liberté individuelle

Publié le 19 Juin, 2009

Paris Match et Le Monde consacrent tous deux un dossier à la question des mères- porteuses. Ils opposent Sylviane Agacinski à Marcela Iacub, juriste et sociologue, pour l’un, et à Ruwen Ogien, philosophe, pour l’autre. Les deux mêmes voies se dégagent de ces controverses : la voix de la protection contre une instrumentalisation du corps humain incompatible avec le respect des droits de l’homme et celle qui prône une suprématie radicale des libertés individuelles fondées sur le consentement personnel.

Ainsi, pour Marcela Iacub, "si on doit tirer un concept général [de la maternité], c’est l’aspect volontaire". Rien ne saurait s’opposer à ce projet d’enfant, pas même la gestation pour autrui du moment que le contrat engage des "adultes consentants": "Cette même idée du consentement entre adultes devrait suffire pour légaliser la prostitution comme les mères porteuses", affirme-t-elle. Ruwen Ogien reprend lui aussi l’idée selon laquelle le droit ne peut s’immiscer dans ce qui relève uniquement de choix personnels, régis par des éthiques individuelles : "De même que l’Etat démocratique, laïque et pluraliste doit être neutre du point de vue religieux, il doit être neutre du point de vue éthique, c’est-à-dire ne pas puiser les raisons de son intervention coercitive dans des doctrines morales d’ensemble controversées."

Pour Sylviane Agacinski, au contraire, ce qui est en jeu, au-delà du "bricolage individuel", c’est la définition de ce qui est humain et de ce qui ne l’est pas. Il s’agit de protéger d’une "marchandisation de la chair" et les mères porteuses, et les enfants "fabriqués sur commande et vendus". La femme, en effet, est un être humain: "sa vie biologique n’est pas séparable de sa vie tout court, de sa biographie. Faire de sa chair l’instrument d’autrui, c’est la déshumaniser". Interdire la gestation pour autrui ne relève donc pas de l’ingérence du politique dans la vie privée. La loi positive doit reposer sur une conception adéquate "de ce qui est juste ou injuste. C’est bien au nom d’une certaine idée de l’homme, de son "humanité", de ce à quoi il a "naturellement" droit, que la Déclaration des droits de l’homme a été écrite". Seules de telles limites peuvent garantir un consentement véritable de personnes qui sont toujours inscrites dans un contexte économique et social complexe et qui peut devenir contraignant. Il n’y a là aucun comportement paternaliste de la part du législateur, simplement une mesure générale de protection des personnes car "si l’on fonde les échanges sur le consentement éclairé, alors rien n’empêche d’autoriser aussi l’achat ou la vente d’organes entre vivants".

Le Monde (Frédéric Joignot) 20/06/09 – Paris Match (Valérie Trierweiler) 17/06/09

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