Libération consacre aujourd’hui un dossier à la légalisation des mères porteuses, sujet âprement débattu des Etats-Généraux de la bioéthique. Alors que la GPA (Gestation Pour Autrui) est encore interdite par la loi française, les différents auteurs de ce dossier militent tant pour la légalisation de la GPA, que pour la suppression des deux principes fondamentaux régissant les dons d’éléments du corps humain impliqués dans cette technique : le principe de gratuité et le principe d’anonymat.
De manière générale, les interdits liés à la GPA sont, pour Pierrette Fleutiaux et Anne- Marie Garat (écrivaines), uniquement de nature morale ou religieuse. Aucun des arguments avancés ne tient donc pour ces passionnées de la GPA : la mère porteuse ne lèse personne, ni elle-même, ni les autres. Son acte mériterait au contraire l’estime et les honneurs de la société. Objecte-t-on que son ventre est instrumentalisé ? Pas plus qu’une autre grossesse, la véritable aliénation étant celle des grossesses non volontaires. Quant à la marchandisation du corps, c’est bien dans le cas où la femme ne serait pas rémunérée qu’il y aurait là aliénation véritable : la rémunération et l’attention médicale sont la condition mêmes du volontariat des femmes. En ce qui concerne l’enfant enfin, cette technique ne le priverait en rien tant il est vrai que la génitalité ne fait pas la parentalité. Bref : l’ensemble de l’argumentation se fonde sur un principe général : "Tout ce qui alourdit le plateau de souffrance est à proscrire, tout ce qui l’allège est légitime et à encourager. Et n’excluons pas que, dans ce pacte mutuellement consenti, il puisse entrer de la fraternité, une denrée rare."
Véronique Fournier, directrice du centre d’éthique de l’hôpital Cochin, estime quant à elle que "toute maternité a un prix", celui du risque qui est pris par la femme qui veut donner la vie. Prendre ce risque pour quelqu’un d’autre n’est pas éthiquement acceptable, sauf s’il existe une raison supérieure : celle de la solidarité et de l’amour. Pour cette raison, Véronique Fournier souhaite que la GPA puisse se faire dans le cadre d’une proximité affective de la donneuse avec le couple demandeur. Remettant en cause les analyses des psychologues et psychanalystes qui s’inquiètent des risques qu’occasionnerait la perte des repères de la filiation pour l’équilibre psycho- affectif de l’enfant, Véronique Fournier note au contraire que l’enfant a aujourd’hui l’habitude d’évoluer dans une structure familiale comptant bien plus de deux parents : "Les enfants semblent survivre plutôt assez bien aux décompositions et recompositions familiales. Ils savent évoluer entre plusieurs adultes, trois, quatre, qui comptent affectivement pour eux, chacun différemment et sans confusion des rôles. Alors que le modèle social de la famille est depuis quelque temps en pleine évolution, voire révolution, pourquoi ne garder comme référence conceptuelle que la plus traditionnelle ? Avoir été conçu grâce à l’aide d’une amie, sœur, cousine proche qui n’est pas sa mère, mais qui fait partie de l’histoire familiale et affective serait-il vraiment beaucoup plus perturbant pour un enfant ?" Une telle reconnaissance affective et sociale de la mère porteuse serait la vraie rémunération de la prise de risque que représente la grossesse.
Au nom de la solidarité avec les couples infertiles, un certain nombre de personnalités appellent donc à la "légalisation de la gestation pour autrui en France afin que cette forme de lutte contre l’infertilité utérine des femmes soit pratiquée dans le respect de la dignité de chacun(e) et dans une perspective de responsabilité éthique". Au nombre de ces personnalités : Elisabeth Badinter, Noël Mamère, Israël Nizand, Jacques Milliez, …
Libération (Pierrette Fleutiaux, Anne-Marie Garat, Véronique Fournier, Dominique et Sylvie Mennesson) 09/06/09