L’eugénisme ne date pas d’hier : de tous temps, certains se sont préoccupés de sélection, de préservation à l’égard de notre espèce. Les anciens Grecs pratiquaient l’ « Eugénisme », l’exposition des bébés atteints de malformation ; Platon est l’un des premiers à théoriser l’idée eugénique dans La République.
Au fil des siècles, la vision eugénique s’est multipliée et diversifiée, jusqu’à nos jours, où elle connaît des formes nouvelles, dopée par le scientisme et conduisant au transhumanisme.
Pierre-André Taguieff livre en un ouvrage très resserré de 116 pages un riche ensemble de références à de multiples auteurs qui se sont succédés à travers les siècles, mais qui foisonnent à partir du XIXe siècle.
Cette étude montre que l’eugénisme, sous des formes multiples, est à relier à quelques courants de pensée politiques et philosophiques, à la sécularisation du monde, au scientisme, et aujourd’hui au triomphe du matérialisme conjugué à l’individualisme, qui détournent la bioéthique de sa raison d’être, protectrice et respectueuse de la vie humaine.
Au plan théorique, et comme grille de lecture, il est possible de retenir trois éléments fondamentaux, auxquels se rattachent plus ou moins les théoriciens de l’eugénisme.
Tout d’abord, une volonté politique et sociale d’éliminer de la société ses membres trop à charge et susceptibles d’en procréer d’autres ; différentes utopies en ont été, ou en sont encore imprégnées, comme le nazisme, le socialisme, le communisme et certaines formes de libéralisme.
Ensuite, le courant de pensée dit des Lumières avec sa vision utilitariste de l’humanité et de la société, qui marque les esprits encore aujourd’hui.
Enfin le darwinisme, toujours actif, qui incite nombre de chercheurs à intervenir de manière volontariste sur l’espèce humaine, comme la nature est supposée le faire pour le reste du monde vivant ; ce qui mène au projet prométhéen du transhumanisme.
On appréciera le ton objectif de Taguieff, même s’il se montre plutôt bref dans sa présentation des positions des adversaires de l’eugénisme (7 pages).
L’auteur propose un document remarquablement documenté, structuré, qui permettra au lecteur de se faire sa propre opinion sur un sujet qui engage profondément l’avenir.
Éditions : PUF, collection Que sais-je ? – Nombre de pages : 116 – Date de parution : Août 2020