Après le rejet par le Sénat en janvier 2011 de la proposition de loi sur l’euthanasie, Le Quotidien du médecin est allé à la rencontre des professionnels de santé qui s’étaient opposés au texte. Celui-ci prévoyait en effet que tout malade "capable majeur", en phase terminale ou avancée d’une affection grave et incurable, puisse demander à bénéficier "d’une assistance médicalisée permettant par un acte délibéré, une mort rapide et sans douleur". Il précisait que tout médecin s’opposant à une telle procédure devait orienter son patient vers un confrère.
Le Dr Bernard-Marie Dupont (Cf. Synthèse de presse du 24/01/11), spécialiste en soins palliatifs, avait protesté : "Les soignants sont pris en otage. Il faut respecter le droit des patients en fin de vie mais, en même temps les praticiens se devraient de donner la mort !" De son côté, l’Ordre des médecins avait dénoncé une "pression d’une extrême violence" qui consistait à demander aux médecins "de faire un geste létal contraire à leur éthique sans respecter leur conscience".
Le Dr Didier Mayeur, oncologue médical à l’hôpital Mignot du Chesnay et responsable de l’unité douleur, constate que grâce aux soins palliatifs, les équipes médicales "ne sont quasiment jamais confrontés à des demandes d’euthanasie active de la part des malades ou des familles." "L’idée est que le patient n’est jamais abandonné, quel que soit le temps de sa prise en charge et même si on sait que l’on ne va pas le guérir", explique-t-il pour définir la démarche palliative. L’hôpital où il travaille a été labellisé par l’European Society of Medical Oncology comme "centre intégré d’oncologie et de soins palliatifs".
Le Dr Nathalie Michenot, responsable de l’équipe mobile de soins palliatifs dans le même établissement note que la plupart des demandes d’euthanasie entendues proviennent des familles qui ne supportent plus "l’attente" ou le "manque d’échanges". C’est dans ces moments-là que "notre pari le plus important est d’arriver à redonner du sens", explique-t-elle avant d’ajouter : "Moi, je cherche à soulager avant de tuer. On ne tue pas tous les déprimés […] on ne sédate pas pour faire mourir la personne". "Il faut vivre le présent et garder l’espoir", encourage de son côté Christine Laquitaine, infirmière de l’unité mobile de soins palliatifs.
Lors d’un colloque sur la fin de vie organisé par la fondation ESAI, Lucas Morin, de l’Observatoire de la fin de vie a fait remarquer que la France était "aujourd’hui plutôt dans la moyenne supérieure en terme d’offre spécialisée de soins palliatifs", comparée aux autres pays de l’Europe. En 2010, entre 350 et 400 équipes mobiles ont étés crées et 4700 lits de soins palliatifs ont été mis en place. Le Dr Régis Aubry, de son côté, a voulu dissiper les malentendus : les soins palliatifs ne sont pas "l’antichambre de la mort", sur 95 000 séjours, 40% ne sont que des "passages".
Pour les soignants, l’installation officielle à l’hôpital européen Georges Pompidou de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) est donc incompréhensible ( Cf. Synthèse de presse du 16/02/11).
Bien que la convention passée entre l’hôpital et l’association oblige cette dernière à limiter son rôle à la simple information, quelques "troubles" auprès des patients auraient déjà été causés par sa présence. Le Dr Florian Scott déclare qu’il y aurait eu "plusieurs situations difficiles avec des familles ou proches qui revendiquaient un geste d’euthanasie active depuis la tenue de la première permanence de l’ADMD dans nos murs, fin janvier. Cette demande émanait du sentiment d’autorisation de ce geste illégal par l’hôpital en raison de sa présence." Il souhaite que la convention soit supprimée.
Le Quotidien du Médecin (Stéphanie Hasendahl) 03/03/11