Contre toute attente, et bien souvent contre l’avis défavorable des rapporteurs et de la ministre de la santé, les sénateurs ont manifesté une détermination transpartisane en vue de modifier la PPL Claeys Leonetti en faveur des soins palliatifs et du principe de précaution. Trois sujets ont été abordés lors des débats sur les 39 amendements examinés hier soir : les soins palliatifs (article 1), l’hydratation artificielle (article 2), l’aide active à mourir (après l’article 2).
Donner une place plus importante aux soins palliatifs
C’est le premier sujet abordé par les sénateurs au moment de l’examen de l’article 1 qui vise le “droit à une fin de vie digne et apaisée“. Ce premier débat a donné le ton : le consensus sera plus fort que la logique tranpartisane. C’est ainsi que la nécessité criante de développer les soins palliatifs sur le territoire français a remporté l’adhésion des sénateurs malgré les avis défavorables des rapporteurs et de la ministre. Tandis que les rapporteurs et la ministre considéraient que le développement de l’offre des soins palliatifs devait figurer dans le PLFSS, les sénateurs républicains, mais aussi socialistes et communistes, ont considéré que la priorité de l’égalité de l’offre des soins palliatifs dans le pays, ainsi que celle des unités de soins palliatifs, ou de la formation était aussi importante dans le texte sur la fin de vie. Dominique de Legge était ainsi soutenu par Corrine Bouchoux ou Annie David et plusieurs autres de bords politiques divers.
L’article 1 comprend donc les modifications suivantes :
- Le droit d’accès aux soins palliatifs sur tout le territoire,
- La mise en place d’unités de soins palliatifs sur tout le territoire,
- La précision que les professionnels de santé sont liés par une obligation de moyens et non pas de résultats,
- L’obligation de dresser un état des lieux des soins palliatifs dans le cadre de la loi financement de la sécurité sociale,
- La mise en place par les EPHAD d’une formation de leur personnel à l’accompagnement en fin de vie.
L’hydratation définie comme un soin
Dans cette même logique transpartisane, Dominique de Legge et Bruno Retailleau, Bruno Gilles Charles Revet, Pozzo di Borgo… seront soutenus par des sénateurs socialistes et communistes, pour refuser de considérer l’hydratation comme un traitement. Ainsi, Catherine Genisson plaide : “pour respecter la dignité de la personne humaine, il faut absolument maintenir l’hydratation artificielle”. Alors que Marisol Touraine tente de rappeler que le Conseil d’Etat lui-même a validé le fait qu’alimentation et hydratation artificielles étaient des traitements, Gérard Roche affirme : “Ce n’est pas le Conseil d’Etat qui m’intéresse, mais la personne. Or on ne sait pas ce que ressentent les personnes en état de sédation. Par précaution donc on ne peut pas arrêter l’hydratation qui peut entrainer une déchéance physique dure à supporter aussi pour la famille“. Ce sur quoi Bruno Retailleau renchérit : la loi Leonetti de 2005 n’a jamais tranché de façon claire le sort de l’hydratation artificielle, et le “Conseil d’Etat n’a pas à nous dicter les choses“.
Le rapporteur Michel Amiel, contre l’avis défavorable de la ministre, propose alors la une nouvelle rédaction de l’article 2 al.2 : “L’hydratation artificielle constitue un soin qui peut-être maintenue jusqu’en fin de vie”. Une rédaction qui devrait “éviter tout risque euthanasique” selon Gérard Roche.
L’article 2 du texte comporte les modifications suivantes :
- Le terme “inutile” est remplacé par “inefficace”,
- La procédure collégiale ne se tiendra que lorsque le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté,
- L’hydratation est un soin pouvant être maintenu jusqu’au décès.
L’aide active à mourir rejetée pour “protéger la société”
Entre minuit et demi et 2h00 du matin, les sénateurs ont débattu de l’aide active à mourir. Les arguments invoqués par la dizaine de sénateurs qui portaient les amendements sont les mêmes que ceux invoqués régulièrement : la demande de la population, le droit de maîtriser sa vie, le respect d’un humanisme et de la volonté individuelle, le droit de ne pas partir en Suisse…
C’est par 231 voix contre 75 que les sénateurs ont rejetté l’aide active à mourir, l’exception d’euthanasie, et le suicide assisté proposé dans ces amendements.
Les sénateurs reprendront l’examen des articles 3 (sédation profonde et continue) et suivants cet après-midi à partir de 14h30. 94 amendements restent encore à examiner.
Note Gènéthique :
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