Les objections éthiques à la recherche sur l’embryon peuvent déclencher de véritables progrès

Publié le 30 Mai, 2016

Philippa Taylor, docteur en bioéthique, analyse une stratégie largement utilisée par les scientifiques et politiques lorsqu’une nouvelle technique pose des problèmes éthiques et « doit » obtenir une autorisation et l’approbation du grand public. Cette stratégie a été utilisée avec succès pour la FIV à trois parents, et c’est encore aujourd’hui celle qui est mise en œuvre pour CRISPR, nouvelle technique de génie génétique.

 

Elle consiste à faire des revendications tout en « promettant la lune » et des résultats exceptionnels qui « sauveront et transformeront des millions de vie ». Puis, quelques années plus tard, ces mêmes chercheurs ou politiques reconnaissent leurs torts, et expliquent que les résultats prendront beaucoup plus de temps et n’atteindront peut-être jamais les réalisations initialement promises. Cette deuxième étape intervient bien sûr une fois la législation modifiée.

 

Pour la FIV à trois parents, le premier ministre Gordon Brown avait en 2008 annoncé des résultats prometteurs. Des voix s’étaient élevées pour avertir des problèmes posés par cette technique, dangereuse, inutile et contraire à l’éthique. Sans y prendre garde, la Grande Bretagne a autorisé cette technique l’année dernière. Mais il y a quelques semaines, un article de Nature révélait les risques de la technique, imprévisibles… « Peut-être qu’à long terme, des progrès seront faits », mais les promesses faites à des milliers de femmes ne seront jamais tenues.

 

« Certains d’entre nous ne sont pas surpris par la nouvelle publication de Nature », explique Philippa Taylor. Elle espère cependant que la sécurité et les objections éthiques « stimuleront l’imagination des chercheurs pour trouver des alternatives éthiques qui aboutiront à des progrès ».

 

Concernant CRISPR, le « battage médiatique » autour des percées supposées en biotechnologie, fait rage. Et le Royaume Uni a été le premier à légaliser les manipulations génétiques d’embryon humain, en février dernier, se basant sur « la promesse que cela permettrait d’économiser des centaines de vie ».

 

« Toute recherche a besoin de limites éthiques », déclare Philippa Taylor. Ces limites peuvent parfois apparaître comme des obstacles à l’innovation, mais ces objections éthiques stimulent l’imagination des chercheurs et conduisent à progresser. Ce fut le cas du Nobel Shimya Yamanaka, qui a mis au point les cellules iPS après avoir abandonné ses recherches sur l’embryon, s’étant rendu compte « qu’il y avait une telle petite différence entre ces embryons et ses filles ». « Il est donc possible de réaliser de grandes avancées scientifiques dans un cadre éthique », conclue Philippa Taylor.

Mercator, Philippa Taylor, (30/05/2016)

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