Constatant qu’en matière de PMA et de GPA « les interdits structurant édictés par le droit national sont mis à l’épreuve du fait accompli » et rappelant que « l’enfant » se trouve au centre de ce débat, la commission des lois du Sénat a examiné hier le rapport de la mission d’information visant à prendre la mesure des dernières décisions jurisprudentielles pour envisager « les réformes qu’elles appellent ».
Les rapporteurs constatent l’encadrement actuel de la PMA et de la GPA
Aujourd’hui en France, l’assistance médicale à la procréation suit « un encadrement strict ». La PMA n’est autorisée qu’aux couples hétérosexuels mettant de côté la notion « d’infertilité sociale », « totalement étrangère au droit français, qui ne s’attache qu’à l’infertilité médicale ». Du côté de la GPA, le principe est celui de la prohibition absolue. Elle est assortie d’une répression pénale qui punit « la substitution ou la dissimulation volontaire d’enfant, ainsi que la provocation à l’abandon d’enfant ou l’entremise en vue de cet abandon ».
PMA : les rapporteurs préconisent l’adoption par « l’épouse de la mère » de l’enfant
La mission d’information semble apparemment ferme sur les principes du droit français. Elle ne souhaite ainsi pas ouvrir la PMA aux couples de femmes pour ne pas remettre en question « la conception française de la PMA ».
Pourtant, elle préconise de ne pas « faire échec à l’adoption, par la conjointe de la mère, de l’enfant conçu par PMA à l’étranger », notamment sous le prétexte de « ne pas porter atteinte au respect de la vie privée ». En effet, aujourd’hui, la « filiation est établie sans contrôle des conditions de conception de l’enfant » qui pourrait tout aussi bien être né d’une relation hétérosexuelle[1]. Ce choix des rapporteurs, Yves Détraigne et Catherine Tasca, vise à conforter la position de la Cour de cassation dans ses deux avis du 22 septembre 2014, qui a estimé que ce procédé « ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption, par l’épouse de la mère, de l’enfant […], dès lors que les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant ». L’« épouse de la mère » pourra donc adopter l’enfant.
GPA : les rapporteurs préconisent la filiation biologique paternelle
Pour la GPA, la mission parlementaire réaffirme la « nécessaire prohibition » de cette pratique, tout en corrigeant deux idées reçues : tout d’abord, les enfants issus de GPA à l’étranger ne sont pas des « fantômes de la République ». Ils « peuvent vivre en France, sur la base de l’acte d’état civil étranger ». Ensuite, l’instauration en France d’une « GPA éthique » ne permettra pas de « réduire le recours aux GPA à l’étranger ». Le Royaume-Uni, qui a mis en place une « GPA éthique » le démontre : il reste le pays européen dont les ressortissants recourent le plus à des GPA à l’étranger.
Les rapporteurs insistent même sur le renforcement nécessaire de la prohibition de la GPA, en proposant « le relèvement des quantums de peines encourues » et « des négociations internationales (…) pour obtenir des pays pratiquant la GPA qu’ils interdisent aux ressortissants français d’y recourir »
Malgré ces rappels fermes, les rapporteurs s’appuient sur les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme (cf. CEDH affaire Mennesson et Labassé : une porte ouverte à la GPA), et invoquent le « respect de la vie privée [et] le droit à l’identité » des enfants nés par GPA à l’étranger.
Les rapporteurs préconisent alors « d’autoriser expressément l’enfant, et lui seul (même si cette action sera exercée, en son nom, par ses parents) à faire établir sa filiation […] paternelle biologique ». Ils rejettent encore, pour l’instant, la possibilité d’établir un lien de filiation avec la mère d’intention qui ne pourra pas entamer de démarche d’adoption, mais ils lui accordent « une délégation d’autorité parentale pérenne ». Ce qui en définitive est très proche…donc limite très fortement l’interdit.
Tant pour la PMA que pour la GPA, la mission suit fidèlement les décisions de justice françaises et européennes. Elle valide ainsi le contournement de la loi française, sans éviter le paradoxe fragile qui voit accorder l’adoption aux couples de femmes pour la PMA et bannir l’adoption de la mère d’intention pour la GPA. Deux techniques qui maquillent pourtant l’une et l’autre, la filiation biologique réelle de l’enfant.
Pour consulter la synthèse du rapport de la mission d’information de la commission des lois, cliquez ici et le communiqué de presse.
[1] Il faut ajouter que la loi du 17 mai 2013 n’a pas prévu de « subordonner le prononcé de l’adoption à un contrôle des modalités de conception de l’enfant ».