Les travaux sur la souris que vient de publier une équipe du CNRS dirigée par Pierre Roubertoux1, expliquent le rôle insoupçonné de l’ADN mitochondrial (ADNmt) sur le fonctionnement du système central.
Chaque cellule contient deux génomes : le génome nucléaire (contenu dans le noyau) compte 30 000 gènes environ, et le génome mitochondrial (contenu dans la cellule mais hors du noyau) en compte seulement 37 dont 13 codent pour des protéines. Le génome mitochondrial se transmet exclusivement de mère à enfant.
Un rôle insoupçonné
La recherche publiée compare deux catégories de souris différentes, obtenues par croisements successifs de deux lignées de souris parfaitement identifiées d’un point de vue génétique ; les unes possèdent un matériel génétique homogène, les autres un ADN nucléaire et un ADN mitochondrial d’origine différente. Pour la première fois, on montre qu’un changement d’ADNmt entraîne des modifications de l’anatomie du cerveau. Cette permutation a des effets multiples sur le fonctionnement cognitif ; elle altère la maturation visuelle, auditive et motrice des petits. Elle modifie aussi les capacités d’apprentissage et de mémoire des adultes. De même, ce transfert d’un ADNmt étranger affecte les activités d’exploration dans des environnements nouveaux. La capacité à apprendre, que réduisent certains ADNmt, se détériore avec l’âge, montrant le rôle du génome mitochondrial dans les troubles de mémoire ou d’apprentissage qui accompagnent la sénescence.
Alerte sur le clonage
Le clonage consiste à transférer le noyau d’une cellule dans un ovocyte énucléé et donc de le mettre en présence d’un ADNmt étranger. Le dialogue entre l’ADN nucléaire (contenu dans le noyau) et l’ADN mitochondrial est modifié de ce fait, ce qui risque de provoquer l’apparition de phénotypes inattendus, voire indésirables. Ces travaux conduisent à s’interroger sur les procédures de clonage embryonnaire, qu’on l’appelle reproductif ou thérapeutique, et sur certaines procréations médicalement assistées qui procèdent par mise en présence forcée d’un noyau et d’un ADN mitochondrial vieillissant.
Alerte sur l’ICSI
En effet, dans la technique consistant à injecter un spermatozoïde dans l’ovule (ICSI), on met l’ADN du spermatozoïde en contact avec l’ADN mitochondrial de l’ovule ; quand ce processus a lieu naturellement, l’ovule choisit son spermatozoïde et l’élimine spontanément s’il y a incompatibilité.
La prudence s’impose donc, et il importe avant tout d’approfondir les recherches sur les mécanismes d’interaction entre l’ADN mitochondrial et l’ADN nucléaire.
1- Mitochondrial DNA modifies cognition in interaction with the nuclear genome and age in mice. Dir. P. L Roubertoux, Nature Genetics, 2003 sept, 35(1):65-69.