Dans le Monde, Jean Yves Nau soulève la controverse autour de l’extension du diagnostic préimplantatoire (DPI). Le texte de loi voté en 1994, autorise la pratique du DPI sur des gènes associés à des maladies "d’une particulière gravité" et "incurables au moment du diagnostic" (mucoviscidose, chorée de Huntington, hémophilie, certaines formes de myopathies et retards mentaux… ). Une équipe du CHU de Strasbourg a élargi cette pratique à la prédisposition à certains cancers connus pour être liés à des facteurs génétiques. La directrice générale de l’Agence de la biomédecine, Carine Camby, estime que cette pratique est contraire aux dispositions législatives en vigueur : "je conçois mal qu’une telle pratique se développe sans qu’un débat public soit organisé sur un tel sujet".
Le DPI sélectionne les embryons, conçus in vitro, sur des critères de leur patrimoine génétique. Seuls les embryons indemnes de toute anomalie génétique recherchée sont implantés dans l’utérus de la mère. Cette pratique est totalement prise en charge par la Sécurité sociale. En quelques années, le nombre de pathologies liées au DPI n’a cessé d’augmenter. Selon l’Agence de la biomédecine, 34 enfants sont, en 2004, nés après un DPI.
En France, il existe 3 centres de diagnostic prénatal, Paris-Clamart, Strasbourg, Montpellier, habilités à pratiquer le DPI. Le Pr. Stéphane Viville, directeur de l’Institut de génétique de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg, pratique le DPI sur les gènes prédisposant à certains cancers et plus seulement sur les gènes porteurs des maladies précitées. Pour lui, "la loi n’a, fort heureusement, pas établi une liste des pathologies concernées par le DPI. Et il n’y a pas besoin de modification de la loi pour que nous puissions prendre en charge la prédisposition à certains cancers. Cette loi, comme dans le cas du diagnostic prénatal et de l’interruption médicale de grossesse, laisse aux centres spécialisés la liberté de jugement pour ce qui est des critères de "particulière gravité" et d’"incurabilité". Une décision que conteste Carine Camby : "S’il doit y avoir une interprétation extensive de la loi de bioéthique, cela ne peut être le fait d’un seul centre."
L‘Institut national du cancer a engagé une réflexion sur ce sujet, le Comité consultatif national d’éthique ne s’étant pas encore saisi de cette délicate question d’actualité.
Le Monde (Jean Yves Nau) 27/09/06