« Comment rendre la société davantage inclusive vis-à-vis de ses citoyen(ne)s les plus âgé(e)s ? ». Cette question est au cœur de l’avis n°128 du 15 février publié hier par le CCNE[1] pour qui le vieillissement est un enjeu « sociale, médicale, économique », mais « également éthique ». Concentration, institutionnalisation forcée, ségrégation, le CCNE parle même de « ghettoïsation » des personnes âgées et estime que leur situation « par bien des aspects une forme de de négation du vivre ensemble ». Un constat rude qui « implique de redéfinir la protection sociale, d’engager de nouvelles formes de solidarité et de mettre en place de nouvelles formes d’accompagnement ».
Respecter le choix des personnes âgées de finir leur vie chez elles et, plus globalement, faire en sorte que la « démocratie sanitaire qui entend garantir à tous une égalité d’accès à la santé, entendue comme ‘un état de bien-être physique, mental et social’ ne concerne pas une partie de la population », impliquent de réfléchir à « de nouvelles formes de solidarités », de renforcer les politiques d’accompagnement. Plus largement, le CCNE souligne que cette prise en compte des personnes âgées doit conduire « une refondation du système de santé, de la médecine et la formation des acteurs de la santé et du social » et plaide pour « une véritable rupture ». Pour Cynthia Fleury, co-rapporteur du rapport, l’approche actuelle est uniquement « déficitaire et non capacitaire de la vieillesse. L’autonomie, le fait de décider, doit pouvoir s’articuler avec la vulnérabilité »[2]. C’est la façon dont elle appréhende le grand âge que la société doit transformer.
Le CCNE propose un certain nombre de mesures pour lutter contre « le sentiment d’indignité des personnes âgées » , leur « sentiment d’être de trop, de ne servir à rien » que dénonce le professeur Régis Aubry[3], co-rapporteur du rapport. Il ajoute : « C’est quelque chose qui devrait nous heurter. Il existe également une forme de ségrégation dans l’accès aux soins des personnes âgées : les examens médicaux sont plus sommaires, on n’écoute pas les réponses aux questions… Tout cela finit par isoler et exclure ».
Parmi ces mesures, des politiques pour favoriser des alternatives aux EPHAD, voire « penser l’EPHAD hors l’EPHAD », par exemple en favorisant « l’intégration d’EPHAD dans les constructions nouvelles à usage d’habitation », le développement de l’habitat intergénérationnel ou d’ « habitation autogérées ». Le CCNE préconise « la création d’un cinquième risque de la sécurité sociale pour la dépendance » pour faire face aux coûts de la fin de vie, mais aussi de faire évoluer le droit social et « en particulier le droit du travail pour permettre à un proche d’accompagner une personne dépendante ». Pour les aidants, il suggère la mise en place d’un plan sous forme de « maisons de répits » ou de « balluchonnage », selon la formule mise en place au Québec qui permet à un professionnel de suppléer quelques temps.
Si ces mesures étaient mises en œuvre, il y a fort à parier qu’elles modifieraient largement les demandes de fin de vie, tant en termes de suicides : dans les établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), « 40 % des résidents présentent un syndrome dépressif (sous diagnostiqué et sous-traité) ; 11 % ont des idées de suicide »[4], que concernant des demandes d’euthanasies.
[1] Comité Consultatif National d’Ethique : Avis n° 128 du 15 février 2018 – Enjeux éthiques du vieillissement. Quel sens à la concentration des personnes âgées entre elles, dans des établissements dits d’hébergement ? Quels leviers pour une société inclusive pour les personnes âgées ?
[2] Cf. Quotidien du médecin, Maltraitance ordinaire des personnes âgées : le CCNE appelle à une refonte du soin et du regard.
[3] Cf. Le Monde, « Certaines personnes âgées souffrent d’un sentiment d’indignité ».
[4] Quotidien du médecin, chiffres présentés par le Pr Pierre Vandel, psychiatre spécialisé dans le grand âge, Maltraitance ordinaire des personnes âgées : le CCNE appelle à une refonte du soin et du regard.