Le clonage humain

Publié le 1 Août, 2000

 

Parmi les analyses proposées, (on remarquera celle d’H. Atlan), la contribution de M. Delmas-Marty, juriste, “ Certitude et incertitudes du droit ” (pp. 67-97), est d’un niveau exceptionnel. Rarement sans doute, l’auteur a exprimé de manière à la fois technique, synthétique et claire ses intuitions les plus profondes ailleurs que dans ces pages. M. Delmas-Marty situe le problème juridique du clonage dans deux ensembles de notions évolutifs : les droits de l’homme et le crime contre l’humanité, tous deux apparus dans le contexte de la fin de la Seconde Guerre mondiale.

 

Sur le fond, son analyse repose sur une compréhension du concept de dignité humaine, selon laquelle celle-ci n’est pas seulement celle de la personne, mais également celle de l’humanité tout entière. Cette conception n’est pas sous-jacente à tous les instruments internationaux. Elle n’apparaît pas expressément dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (10 décembre 1948) ni dans les deux Pactes de 1966. En revanche, le Préambule de la Convention du Conseil de l’Europe sur les droits de l’homme et la biomédecine de 1996 affirme “ la nécessité de respecter l’être humain à la fois comme individu et dans son appartenance à l’espèce humaine ”. On comprend dès lors comment se structure la pensée de l’auteur. Le clonage sera envisagé sous un double point de vue, celui des droits de l’homme tout d’abord (et en ce sens, il constitue une atteinte à la dignité de la personne individuelle) et celui du crime contre l’humanité ensuite (et en ce second sens, le clonage constitue une atteinte à la dignité de l’humanité, car ce qui caractérise le crime contre l’humanité, “ c’est l’identité de la victime, l’Humanité ”, p. 89). Du point de vue des droits de l’homme, M. Delmas-Marty suggère de faire entrer l’interdiction du clonage dans le noyau dur des droits de l’homme. Ce dernier ne souffre aucune limitation, même temporaire, comme c’est le cas pour l’interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants. Très lucidement, l’auteur rappelle toutefois le caractère problématique de la mise en œuvre de ce noyau dur, en examinant les procédures de recours (les instruments internationaux ne peuvent être invoqués qu’a posteriori), et en soulignant la faiblesse des sanctions. L’accent est mis sur le système européen, qui constitue, il est vrai, le système le plus développé sur le plan planétaire. Du point de vue du crime contre l’humanité – dont l’auteur souligne avec force qu’il ne fait encore l’objet d’aucune définition rigoureuse (pp. 81-88). Mais, comme le remarque M. Delmas-Marty, dans le cas des crimes contre l’humanité, dont on ne connaît que des listes énumératives, “ la valeur protégée a d’emblée une dimension protégée. Et c’est sans doute là le point commun aux divers interdits énumérés comme crimes contre l’humanité. ” (p. 89). Mais, même si un tribunal pénal international permanent a récemment été mis en place, il reste beaucoup à faire pour établir une jurisprudence en la matière.

 

Il y a là trente pages à lire et à relire. Laissons la parole à M. Delmas-Marty :

 En somme, si l’on admet qu’en protégeant l’humanité, le crime contre l’humanité tend à protéger, non pas l’espèce humaine limitée à ses caractéristiques biologiques connues, mais l’humanité telle que la notion s’est construite lors du processus d’humanisation, c’est-à-dire la singularité de chaque être humain et son égale appartenance à la communauté humaine, il serait alors nécessaire de modifier le droit français et le droit international pour définir comme crime contre l’humanité le fait de mettre en œuvre des pratiques, “ aux larges dimensions ou systématiques ”, tendant à organiser “ en connaissance de cause ” la reproduction d’êtres humains par clonage. ” (p. 93)

 

Par : H. Atlan, M. Augé, M. Delmas-Marty, R.-P. Droit, N. Fresco

 

 

Ref : H. Atlan, M. Augé, M. Delmas-Marty, R.-P. Droit, N. Fresco, Le clonage humain, Paris, Seuil, 1999

 

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