Le CCNE a publié le 27 juin 2017 un avis sur l’autoconservation des ovocytes, la procréation médicalement assistée (PMA) et la gestation par autrui (GPA) qui ouvre la porte, malgré de graves réticences, à la « PMA pour toutes ». Adeline Le Gouvello, avocate, décrypte pour Gènéthique les grandes lignes de propositions controversées.
Gènéthique : Malgré des réserves importantes, le CCNE parle de « points de butée », le Comité décide cependant de donner un avis favorable à la PMA pour toutes à partir d’une IAD[1]. Pourquoi ?
ALG : L’avis rendu par le CCNE ne provient pas de considérations éthiques mais uniquement d’une soumission à des revendications fortes et répétées d’une minorité agissante d’adultes. Le terrain en amont avait été savamment préparé. En mars 2016, 130 gynécologues signaient un manifeste à l’initiative du Professeur Frydman intitulé « Nous médecins avons aidé les couples homosexuels à avoir un enfant même si la loi l’interdit ». La violation revendiquée de la loi n’a donné lieu à aucune poursuite pénale, de telles sanctions étant pourtant prévues par la loi (cf. PMA : le professeur René Frydman a-t-il enfreint la loi ? et PMA : Les revendications des 130 médecins et biologistes « montrent la ruine de la réflexion éthique »). Parallèlement, les couples lesbiens avaient obtenu de la Cour de Cassation en 2014 la possibilité de valider l’adoption par la conjointe de l’enfant conçu à partir d’une IAD à l’étranger en contournement de la loi française. On sait en outre que le gouvernement avait modifié la composition du CCNE en 2013 et 2016 afin que la majorité des membres soit favorable à ses prises de position. Le CCNE n’est donc plus un interlocuteur objectif mais une instance soumise à l’exécutif et aux désirs illimités d’adultes. Il opère un pas de plus vers le droit à l’enfant.
G : La revendication de « liberté et d’égalité dans l’accès aux techniques » et « la souffrance induite par une infécondité résultant d’orientations personnelles », des arguments suffisants pour justifier la « PMA pour toutes » ?
ALG : Il existe une parfaite égalité d’accès aux techniques d’AMP. Le législateur a fixé des conditions pour toutes les personnes, quelles que soient leur orientation sexuelle. Ainsi, une femme célibataire ne peut avoir recours à la PMA ; un couple hétérosexuel, trop âgé ou par souci de confort (et non pour une raison d’infertilité pathologique), non plus… Le droit sert à placer les limites nécessaires pour que les droits de tous soient respectés. La loi fait en effet en sorte que la liberté de chacun trouve sa limite dans les droits d’autrui. En l’espèce, l’enfant bénéficie du droit d’avoir un père et de le connaître, sauf accident de la vie, comme le prévoit la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. Or, le CCNE n’en a cure alors que, pourtant, cette même convention énonce que dans toute décision le concernant, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit primer. Ce ne sont donc pas des désirs d’adultes sur lui qui devraient prévaloir.
G : Quelles sont les conséquences de cette décision sur la filiation ? Certains parlent de destruction de la filiation, pourquoi ?
ALG : Un enfant est nécessairement issu d’un homme et d’une femme. Des femmes adultes désirent contrer cette réalité incontestable et travestir la filiation en établissant qu’elles sont toutes deux à l’origine de la vie de cet enfant. Depuis la loi du 17 mai 2013, des couples de même sexe peuvent adopter un enfant. Depuis 2014, il est possible aux couples de femmes de faire adopter par l’une l’enfant que l’autre a conçu par AMP à l’étranger en contournement de la loi française. La filiation de l’enfant n’a ainsi déjà plus rien de cohérent puisqu’il ne peut plus s’identifier et s’imaginer comme étant issu de ses parents adoptifs s’agissant de deux femmes. Si l’avis du CCNE est entériné par le législateur, l’absurdité et l’incohérence seront encore plus manifestes puisqu’il n’y aurait dans ce cas même plus besoin du recours à l’adoption : l’enfant sera considéré comme directement issu de deux femmes…
G : Le CCNE fait des propositions dans le cadre de la GPA et demande qu’ « un droit d’accès » « au contrat qui a permis leur naissance avec l’identification de tous les intervenants » soit accordé aux enfants, mais concernant la PMA pour toutes, l’accès aux origines est passé sous silence. Il n’y a pas de remise en question de l’anonymat des donneurs. Que faut-il en penser ?
ALG : L’insémination artificielle avec tiers donneur mise en place par le législateur pour les couples hétérosexuels était dès le départ une grave injustice faite aux enfants. La quête des origines est une question récurrente et nous avons réussi à créer volontairement des situations entraînant ces souffrances et ces difficultés pour les enfants. Il ne s’agit pas ici de situations accidentelles dans la vie qui ont eu pour conséquence que l’enfant ne puisse pas connaître l’identité de ses parents mais au contraire d’un processus dans lequel on a prévu que l’enfant soit privé à la base de la connaissance de ses origines. Il conviendrait de supprimer toute possibilité d’insémination avec tiers donneur anonyme car c’est une grave injustice faite aux enfants qui naissent de cette manière pour satisfaire des désirs d’adultes. Toutefois, dans le cadre de la PMA pour couples de femmes, ou de la GPA, la question de l’accès à ses origines n’est que la conséquence de violations encore plus graves : celles d’être privé de père (pour la PMA) ou de mère (pour la GPA). Il est à noter en outre que la recommandation du CCNE s’inscrit dans le cadre global de ses conclusions qui conduisent à un maintien de l’interdiction de la GPA. Cependant, constatant qu’en dépit de l’interdiction légale, des couples en violation de la loi française vont à l’étranger et reviennent en France avec les enfants nés par GPA, le CCNE a formulé quelques recommandations dont celles de l’identification de tous les intervenants. Il est vrai que cette identification pourrait freiner les velléités d’un recours à de telles pratiques : les donneurs de gamètes n’ont pas forcément envie que des dizaines d’enfants viennent leur demander des comptes… Et les « receveurs » préfèrent généralement garder pour eux l’exclusivité du lien avec l’enfant, sans compter qu’il n’est pas très valorisant pour les parents d’intention que les enfants découvrent les dessous de ce bricolage procréatif.
G : Le CCNE estime qu’il n’existe pas de GPA éthique et demande que cette pratique soit interdite en France et à l’échelle internationale. Est-ce un vœu pieux ? Est-ce que la « PMA pour toutes » n’est pas un pas de plus vers la « GPA pour tous » ?
ALG : Il est évident que l’autorisation de la PMA pour toutes aboutira à celle de la GPA. On voit d’ores et déjà le terrain se préparer : les sociétés étrangères viennent démarcher sans difficulté leurs clients sur le territoire français. Loin de les poursuivre, le Parquet classe sans suite les plaintes qui lui sont adressées à ce sujet alors que l’entremise entre des parents d’intention et une mère porteuse est formellement interdite et que celle-ci se fait pourtant quasiment sous leurs yeux, dans des hôtels luxueux à quelques mètres de l’Assemblée Nationale… Les auteurs de ces délits ne sont pas poursuivis mais en revanche, le Parquet empêche les associations plaignantes de faire avancer le dossier. On peut légitimement s’interroger sur les motivations qui prévalent…
G : Peut-on souligner des points positifs dans cet avis ? Il semble que ce soit peut-être la première fois que le caractère contraignant et les risques médicaux sont mis en évidence dans la procédure de prélèvement des ovocytes…
ALG : Le CCNE est revenu sur la position qu’il avait lui-même adoptée en 2005 en ce qui concerne la PMA pour les couples de femmes à l’aide d’arguments forgés pour les besoins de la cause qui ne sont pas convaincants (il place ainsi comme premier argument la « confiance » que l’on peut avoir envers les femmes… On cherche en vain le lien avec les graves questions posées par cette pratique…). Ce revirement sans fondement réel et sérieux le décrédibilise… Aussi, quand bien même des points positifs ressortiraient de cet avis, ils seront, hélas, peut-être obsolètes au prochain avis, suivant les membres qui composeront le Comité…
[1] Insémination Artificielle avec don de sperme.