Le CCNE en question

Publié le 21 Fév, 2003

A l’occasion de ses 20 ans, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) organise dimanche 23 février un "symposium international de bioéthique" au Collège de France en présence de représentants des comités d’éthique étrangers, de médecins, d’enseignants et de représentants de malades. A cette occasion, le journal La Croix a interrogé plusieurs personnalités sur l’évolution du CCNE dans les 20 ans à venir.

Jean-François Mattéi, Ministre de la santé, va proposer au Parlement, lors de la deuxième lecture des lois de bioéthique à l’Assemblée nationale, de renforcer le statut législatif du CCNE et de le constituer en autorité administrative indépendante afin qu’il soit autonome dans sa gestion et ses dépenses. Il relèverait alors du contrôle de la Cour des comptes. Devant l’accroissement plus ou moins contrôlé des comités d’éthiques dans les facultés et hôpitaux, il souhaite faire du CCNE le comité de référence.

Didier Sicard, actuel président du CCNE et chef du service de médecine interne de l’hôpital Cochin, appelle le CCNE à "anticiper les progrès à venir". Rappelant que la "santé ne peut être un produit marketing", Didier Sicard veut engager une grande réflexion autour de l’économie de la santé.

Danielle Moyse, professeur de philosophie et chercheur associé au Centre d’études des mouvements sociaux (CNRS/ EHESS), regrette que le CCNE ne soit sollicité que pour répondre à la question : "la loi doit-elle autoriser ou interdire ?" Il devrait plutôt mener une réflexion de fond et à long terme. Rappelant l’étymologie du mot éthique : "ethos" qui signifie "séjour", elle estime que le CCNE doit porter ses réflexions non sur l’avancée de la technique mais sur "la manière de favoriser un "séjour" humain plus propice à l’épanouissement de l’homme". Elle remarque que par la diversité de ses membres et de ses opinions, les avis du CCNE sont des avis de consensus, disant "un peu oui, un peu non". Elle propose au contraire qu’il fasse connaître ces débats contradictoires pour lancer une réflexion de société et sortir du cadre actuel de discussion entre experts et politiques.

Jean Gélamur, ancien membre du Comité et ancien président du directoire de Bayard Presse, estime que la priorité du CCNE doit être la défense de l’être humain dans sa dignité car il craint que "cette dignité (ne) soit remise en cause, non pas tant par les progrès de la science en eux-mêmes, mais par une sorte d’impératif du droit à la recherche".  

Pour le Père Olivier de Dinechin, membre du CCNE, jésuite et théologien, le Comité doit "développer une résistance par rapport à la tentation totalitariste du regard biologique, ou un à certain utilitarisme qui conduit de fait à un eugénisme pratique". Il aimerait que le CCNE s’ouvre à de nouvelles disciplines : la sociologie, l’économie de la santé et la psychologie. 

Dans le projet de lois de bioéthique, est prévue une nouvelle autorité chargée de veiller aux implications éthiques de la recherche. Alain Claeys, ancien membre du CCNE, député et rapporteur en 1ère lecture des lois de bioéthique, ne pense pas qu’elle remettra en cause le rôle du CCNE qui "gagnerait à être davantage prospectif, à anticiper sur les grandes évolutions en cours".

Jean-Pierre Changeux, président du CCNE de 1992 à 1998, neurobiologiste à l’Institut Pasteur, souhaiterait que le CCNE ait plus de lien avec le monde politique qui, selon lui, ne prend pas assez en compte ses avis. Il s’étonne que le législateur n’ait pas suivi l’engagement du CCNE en faveur du clonage thérapeutique. Il appelle à la création d’un Comité d’éthique mondial, placé auprès des Nations Unies.

La Croix (Marianne Gomez, Jean-Marie Guénois et Marie Verdier) 21/02/03

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