La souris, un modèle de laboratoire pas si proche de l’homme

Publié le 18 Fév, 2015

Pour ou contre le modèle de la souris dans la recherche pour guérir les pathologies humaines ? Le Monde Science et Techno revient sur la bataille médiatique qui oppose les défenseurs et les pourfendeurs du modèle de la souris.

 

Les derniers articles en date sont ceux de Nature, publiés le 19 novembre 2014. Ils couvraient les résultats d’études internationales destinées à “comparer les systèmes de régulation de l’ensemble des gènes chez l’homme et la souris”. Les conclusions qui révèlent à la fois les similarités et les différences entre le modèle humain et le modèle murin, relancent le débat.

 

En effet, un mois auparavant, le New England Journal pf Medecine publiait le compte rendu de trois essais cliniques de traitements de la tuberculose, défavorables au modèle murin : les nouveaux médicaments, testés avec succès sur la souris, avaient échoué sur l’homme. Prévisible, selon le Dr Clifton Barry[1] : “Cet échec était annoncé. Comme tous ceux que nous enregistrons depuis quarante ans avec la souris sur la tuberculose”. S’il considère la souris efficace pour “les travaux ordinaires, les testes de toxicologies”, il doute qu’elle puisse “constituer un bon modèle de la maladie humaine”. Pourquoi ? Tout simplement parce que “la tuberculose de la souris n’a rien à voir avec la nôtre. Le rongeur ne tousse pas, n’est pas contagieux”. Le Dr Clifton Barry va jusqu’à qualifier le modèle de la souris de “voie sans issue”. D’autant plus qu’il y a trois ans, il a constaté l’efficacité d’une molécule, le linézolide, sur des patients alors que sur les souris, elle n’avait rien donné.

 

Le Pr Jean-Marc Cavaillon, chef de l’unité cytokine et inflammation (Institut Pasteur) reconnait lui aussi qu’“il y a un problème” avec le modèle murin : “La souris est excellente pour la recherche fondamentale, pour comprendre les grands phénomènes, pour déchiffrer les mécanismes. Mais dès lors qu’on cherche à modéliser la maladie humaine afin de trouver des traitements, on bute sur les différences majeures entre nous et les souris.” Il a participé à une étude [2] qui a “déclenché une tempête” en février 2013, lors de sa parution dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), mettant en exergue les “pauvres ressemblances” entre les réponses génétiques de l’homme et de la souris, sur des cas de septicémie.

 

Pourtant, la souris présente de nombreux avantages : peu coûteuse, elle se reproduit vite, elle vieillit vite, on sait congeler ses embryons et gamètes, on manipule facilement ces gênes, etc.  Et elle est à l’origine de près d’un tiers des prix Nobel de médecine depuis les années 1980. Mais “chacun, pourtant, sent bien que la rigueur scientifique impose de changer les pratiques”. Ainsi, Yann Hérault, directeur de l’Institut clinique de la souris (Strasbourg), “compte sur l’arrivée de nouvelles lignées pour diversifier le patrimoine génétique des animaux étudiés”. Clifton Barry se tourne quant à lui vers le ouistiti, sa collègue Joanne Flynn (Pittsburgh), vers le macaque crabier. D’autres espèrent un “grand remplacement biotechnologique”, à base de lignée cellulaires, modèles mathématiques et puces électroniques incluant des cellules humaines.

 

[1] Le Dr Clifton Barry est Directeur du programme de recherche sur la tuberculose au National Institute of Health (Etats-Unis).

[2] L’étude a été conduite par le Pf Shaw Warren, pédiatre américain, professeur à la Harvard Medical School.

 

Le Monde (Nathaniel  Herzberg) 16/02/2015

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