La fin de l’homme – Francis Fukuyama

Publié le 1 Août, 2003

« Aldous Huxley avait raison : la menace la plus grave exercée par la biotechnique contemporaine est bien la possibilité qu’elle altère la nature humaine et qu’elle nous propulse dans une phase post-humaine de notre histoire. » Dans son dernier livre, « La fin de l’homme. Les conséquences de la révolution biotechnique », Francis Fukuyama, philosophe, professeur à l’Université John Hopkins et membre du conseil de bioéthique de la Maison Blanche, lance un cri d’alarme.

 

L’une des raisons du pessimisme de Fukuyama est que, contrairement à d’autres progrès scientifiques, les biotechnologies mélangent des avantages manifestes et des inconvénients subtils dans une même enveloppe.

 

Ce défi n’est pas seulement d’ordre éthique, mais aussi d’ordre politique. Car ce sont les décisions politiques que nous allons prendre dans les années qui viennent, concernant nos relations avec cette technologie, qui détermineront si nous entrons ou non dans un avenir post-humain ; et elles définiront l’abîme moral potentiel qu’un tel avenir ouvre devant nos pas.

 

Les défis de la science

Les sciences du cerveau permettront de connaître et traiter des caractères héréditaires tels que l’intelligence, la criminalité, la sexualité… La neuropharmacologie contrôlera le comportement , comme le font déjà des antidépresseurs tels que le Prozac, ou la Ritaline qui stimule le système nerveux central ; la  prolongation de la vie entraînera un vieillissement de la population des pays riches tel que d’ici deux générations, la moyenne d’âge y sera de soixante ans et de vingt ans dans les pays moins développés ; avec quel impact social ?..

L’ingénierie génétique et la création de bébés de synthèse possédant tous les gènes spécifiques de caractéristiques telles que l’intelligence, la taille, l’estime de soi…conduira  à un eugénisme doux, répondant à la demande des parents qui désirent le meilleur pour leur enfant, et non plus à l’obligation imposée par un Etat coercitif.  Les élites sociales auront ainsi la possibilité, non seulement de transmettre des avantages sociaux, mais aussi de les fixer génétiquement, en entraînant d’autres conflits sociaux !

 

Quel homme protéger ?

Après ces descriptions, Fukuyama nous entraîne à la recherche de ce qui fonde le statut moral supérieur  humain et sur les caractéristiques exclusives des êtres humains (création à l’image de Dieu pour les chrétiens, capacité humaine du choix moral pour Kant…), afin de savoir ce qui doit être protégé contre les développements biotechnologiques. Il conclut que c’est le respect  de la dignité humaine qui permettra d’éviter la croissance des inégalités génétiques et la politique de sélection des futurs êtres humains. 

 

Un optimisme candide

Malgré ces descriptions parfois apocalyptiques de ce qui attend l’homme post-humain du XXIème siècle, Fukuyama se montre confiant dans la sagesse humaine et l’efficacité des mécanismes de contrôle existants. Il faut tout faire pour encadrer la science, mais si cela s’avère impossible, l’espèce humaine possède ses propres ressources de régulation, une sorte d’instinct de survie , suffisant pour protéger la dignité des être humains adultes et normaux.

 

Mais, les personnes défavorisées, « qui détiennent un peu moins que la dotation complète des capacités que nous avons définies comme caractérisant la spécificité humaine », à savoir les enfants à naître, éventuellement les bébés, les malades en phase terminale, les vieillards frappés de maladies de dégénérescence et les personnes handicapées risqueront fort d’échapper à cette protection… 

 

Réf. Francis Fukuyama, La fin de l’homme. Les conséquences de la révolution biotechnique, ed. la Table Ronde, octobre 2002.

 

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