La diminution de la fertilité masculine est difficile à établir

Publié le 9 Déc, 2012

Dans une tribune du Figaro datée du 10 décembre, le Dr Jacques Auger, biologiste de la reproduction à l’hôpital Cochin répond à la question suivante: "y a-t-il vraiment une diminution de la fertilité masculine?".

Tout d’abord, il explique qu’ "il n’existe aucune étude concluant (ou non) à une diminution de la fertilité masculine au cours du temps", car il est difficile "de construire une telle étude, pour différentes raisons parmi lesquelles le fait que la fertilité concerne les deux partenaires du couple avec le problème lié de pouvoir isoler les multiples déterminants de la fertilité de l’un ou de l’autre". 
Le biologiste poursuit en précisant que "la confusion est souvent faite avec la question de l’évolution de la qualité du sperme chez l’homme, […] débattue depuis maintenant plus de vingt ans". Ainsi, depuis le milieu des années 90, "plus de trente études rétrospectives sur l’évolution de la qualité du sperme dans des populations variées ont été réalisées dans divers laboratoires de par le monde" et dont certaines d’entre elles "ont confirmé l’altération temporelle d’une ou plusieurs caractéristiques des spermatozoïdes" (leur concentration, leur mobilité ou la proportion de spermatozoïdes morphologiquement normaux)" tandis que "d’autres non". A ce titre, le Dr Auger explique que pour bon nombre de ces études, "l’interprétation des résultats est difficile" car beaucoup d’entre elles "ont été faites à partir de patients consultant pour infertilité, ce qui est un biais majeur", et de plus en plus, les "facteurs connus pour moduler les caractéristiques du sperme, principalement l’âge et le délai d’abstinence sexuelle avant le prélèvement du sperme," ne sont pas pris en compte dans l’analyse statistique. 

Mais en confrontant les résultats des études portant sur les variations de la qualité du sperme, il a été constaté "des écarts notables de la qualité moyenne du sperme humain d’une région du monde à l’autre dans des sous-populations d’hommes comparables", faisant émerger "l’idée qu’indépendamment de facteurs génétiques ou éthniques, ces variations pourraient être liées à des facteurs environnementaux". 

Etablissant un bilan de l’ensemble de ces études, le Dr Auger précise que "au total, la question d’une éventuelle baisse de la fertilité de l’homme demeure toujours sans réponse à ce jour et le débat sur les modifications temporelles de la qualité du sperme continue. Cependant, [poursuit-il], la conjonction d’études indiquant de nombreuses anomalies de la reproduction observées chez le mâle dans diverses espèces sauvages et les résultats d’études épidémiologiques (ne souffrant pas de biais majeurs) objectivant des variations géographiques ou temporelles notables de la qualité du sperme humain ainsi que l’augmentation de la fréquence du cancer du testicule sont de sérieux lanceurs d’alerte". Il ajoute que la notion de "multicausalité" est apparue, "faisant intervenir des facteurs environnementaux complexes tels que l’exposition chronique à des faibles doses de mélanges de composés chimiques" et à des " facteurs liés au style de vie" comme "l’exposition du foetus mâle au tabac pendant la grossesse" qui diminue "notablement" la production de spermatozoïdes. En outre, "un nombre croissant d’études, principalement expérimentales, indiquent que beaucoup de ces facteurs sont susceptibles de perturber le développement de l’appareil génital mâle avant et juste après la naissance, mais également lors de la puberté et au-delà".  Pour le Dr Auger, "il existe donc une nécessaité impérieuse de poursuivre de manière urgente la recherche dans ce domaine. […]. Poursuivre la veille sanitaire, mettre précisément en évidence les liens entre expositions environnementales et anomalies de la reproduction, ce n’est qu’à ce prix que des réponses pourront être apportées en termes d’amélioration des connaissances mais aussi de santé publique pour notamment définir les politiques de prévention". 

Le Figaro (Dr Jacques Auger) 10/12/12

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